nice or immorally : érudilettante scribrouillon, digressif compulsif

ma trombine poilue partout

Chères lectrices, chers lecteurs, amis fidèles, très fidèles, qui passez sur ces page peu actives, permettez que je vous invite, très respectueusement, à aller voir ailleurs où je suis.

- Chez Citizen Jazz pour s’imprégner d'un peu de l'ambiance d'un concert d'Eugene Chadbourne et Aki Takase, lire du bien des derniers disques de Michael Mantler et Andrea Centazzo, découvrir ou rendre hommage au saxophoniste Byard Lancaster récemment disparu.

- Sur le site DuPaf, voir si LePaf le galure et le gros Roger aux singes, sotie en vingt épisodes et trois interludes ne vous déplait pas trop.
(Afin de vous en faciliter la lecture, ci-dessous les chapitres en ordre de bataille.)

Épisode 1 : où LePaf voit sa carrière rebondir et la panique lestée d'enfants qui s'ensuit.
Épisode 2 : où il est question du Far-West, de l'Everest et de tartines beurrées
Épisode 3 : où LePaf se dit qu'être André aurait rendu les choses plus simples.
Épisode 4 : où il est beaucoup question des différents états verticaux de l'inquiétude.
Épisode 5 : où on n'y comprend plus grand chose pendant que se racontent les vacances du petit MonTerrible.
1terlude
Épisode 6 : où on passe d'un double sourire à une triple joie.
Épisode 7 : où les inquiétudes s'estompent, les estomacs se remplissent et les habitudes s'exhibent.
Épisode 8 : où beaucoup se cultivent.
Épisode 9 : où la musique commercialise les mœurs.
Épisode 10 : où le mal des transports ne jouera finalement aucun rôle.
2terlude
Épisode 11 : où deux frères sont partout tandis qu'on s'habille.
Épisode 12 : où le souvenir se fait refuge.
Épisode 13 : où un Indien entre brièvement en scène.
Épisode 14 : où vient enfin le temps des présentations.
Épisode 15 : où le bon goût se fait malmener.
3terlude
Épisode 16 : où il est dur d'être dur.
Épisode 17 : où on passe brièvement devant des buissons ardents.
Épisode 18 : où une vessie fait lanterner.
Épisode 19 : ou le pénultième.
Épisode 20 : où sonne l'heure du sprint final.


- Sur ce Tumblr, joujou récemment créé pour se poser en esthète et dont l'illustration ci-dessus est extraite.

En vous remerciant, chères lectrices, chers lecteurs, amis fidèles, très fidèles.

bilan 2010

album de l'année :
Confusion bleue de Nobu Stowe.
(Et aussi quelques autres...)

concert(s) de l'année :
- concert chez Pierre Henry
- Jim Hall à Pleyel

film(s) de l'année :
- Toy Story 3 de Lee Unkrich
- Faites le mur ! de Banksy

livre(s) de l'année :
- Le livre de Dave de Will Self
- The Rest is Noise d'Alex Ross

émotions sportives de l'année  :
- les cinq premiers matchs de l'Allemagne lors de la coupe du Monde
- Diego Forlan lors de cette même coupe du monde
- les deux premiers sets de richard Gasquet contre Andy Murray au premier tour de Roland-Garros.

et sinon, cette année, j'ai :
attendu chaque samedi les chroniques de Gillian Tett, fièrement épousé une nouvelle citoyenneté, écouté beaucoup de musique russe, senti de souterraines affinités entre celle-ci et les musiques afro-américaines, découvert Peter Ackroyd, bu ma première Bracine triple au délicieuses notes de miel et céréales, achevé de me convertir au tweed, vu avec gourmandise l'Europe en train de se faire, pensé fugacement à des idées de tatouages, redécouvert les livres de Pierre Schaffer, de nouveau eu quelques purs instant de satori à force de coups de hache, partagé, clopes, frites et bières avec une Mac-Mahonienne, devisé des mérites de Dean Martin et Frank Sinatra avec un supporter de l'OM, comparés les équipes du Stade Rennais et du Football Club de Nantes avec un fanatique de Bob Dylan, dégusté, entre deux gorgées de calva, des citations de Paul Valery, Montaigne ou Pascal en compagnie d'un honnête homme, changé trois fois de piscine avant de trouver la bonne, teinté mon peu de gout pour Mélenchon d'un rien d'admiration (si si mais j'en recause d'ici peu), tenté et parfois réussi quelques nouvelles recettes, oublié beaucoup de choses, surement.

nobu stowe - confusion bleue

Devant la profusion d’offres musicales, la saturation guette. Malgré soi, il peut arriver qu’à un moment ou à une autre, l’on se sente un rien blasé.
Et un jour on découvre Nobu Stowe.

(la suite de l'article sur le site Citizen Jazz)

un festin en paroles

Un festin en Paroles : un livre qu’il était temps de finir.

Sensible à ce que je lis : quand ça cause cuisine, ça décuple mon appétit ; un peu plus et je bourreletais conséquemment je crois.

Revel tente, le fol ambitieux, de retrouver le goût de ce qui se mangeait il y a 200, 500, 1000, 2000 ans. Et c’est parfois diablement efficace.

Avec des inconvénients du coup : certaines des habitudes alimentaires des temps anciens (l’accumulation des épices en tous genres, l’utilisation intensive de fumigations pendant le repas, le vin allongé d’eau de mer) font passer de brèves nausées. Mais je crois que tout un chacun devrait davantage saliver qu’autre chose à lire cette petite (300 pages) "histoire littéraire de la sensibilité gastronomique de l’Antiquité à nos jours."

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Un bon bouquin donc, même si, comme souvent avec Revel, je ne peux m’empêcher de couper mon admiration d’un peu d’agacement.

Globalement, j’aime le sceptique attaché au factuel, j’applaudis le juste affranchi des coteries, et je sais me faire petit devant le colosse d’érudition.

Seulement, peut-être injustement fine bouche, il y a toujours eu un je ne sais quoi dans ses écrits (un ton parfois un rien trop cassant, une série de cinglances là où j’aurais espéré davantage de nuances) qui me gâte un tout petit peu le plaisir.

J’ajoute que, malgré ce que j’ai pu en lire ailleurs, sa phrase me sonne parfois fort désagréablement à l’oreille.

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Mais, ces préventions dévoilées, je peux pourtant vous garantir que c’est sans masochisme aucun que je retourne régulièrement à lui car je serais bien bête de ne pas passer outre ces petites réticences et ainsi me priver de tout ce que Revel a encore à m’apprendre.

le conseil du bourgeois

The Only ones ou le Television anglais, la réussite en moins.

En plus d’incontestables ressemblance sonores et d’une même progéniture (Echo & the Bunnymen, House of Love,…) on peut, sans trop travestir la réalité, leur appliquer ce que Simon Reynolds écrivait des Américains : « Le dernier groupe des années 60 et le premier à avoir joué du rock des années 80. Evitant les influences rhythm’n’blues pour s’inspirer du folk électrique et de l’acid-rock de la côte ouest. […] La musique n’avait pourtant rien de rétro psychédélique ou de vaporeusement hippie : coupante comme le diamant, elle affichait une sobriété féroce. »

Seulement, à la différence de la bande à Verlaine, la notoriété semble ne pas s’être trop attardée sur les Only Ones, régulièrement oubliés de ces classements sur les meilleurs groupes/albums/singles de tous les temps que la presse musicale anglo-saxonne aime à sortir régulièrement.

Pourtant, avec son chanteur androgyne et sulfureux (non seulement drogué mais dealer, c’est sur les bénéfices de son business qu’il lance son groupe en 1976) pondant des textes cyniques enluminés d’images poético-gothiques, The Only Ones avaient le profil parfait pour s’assurer une bonne place dans la mythologie rock’n’roll.

Mais, s’il est trop cool de, par exemple, sniffer les cendres de son père, il faut quand même savoir se réserver quelques périodes de lucidité et d’énergie pour pouvoir faire de ses vices de puissants arguments de vente au lieux de se laisser dévorer par eux.

Ce que ne sut pas faire Peter Perrett qui passa « la majeure partie de ces presque trente ans, défoncé, dans une belle maison victorienne changée en squat-porcherie, dans le noir et allongé sur un matelas dont il ne s’extrayait même plus pour faire ses besoins. »

Il fut dernièrement pourtant capable, l’histoire sachant parfois se montrer bonne fille, de saisir sa deuxième chance : la carrière des Only Ones a été relancée suite à l'utilisation de la chanson Another Girl, Another Planet dans une publicité pour Vodafone.

Reformés suite à ce regain d’intérêt, ils se sont lancé dans une tournée en avril et juin 2007.

Mais, Peter Perrett n’est évidemment pas sorti indemne de ses années de junkie, en plus d’une maigreur effrayante, des problèmes respiratoires le handicapent fortement.

Malgré cela, la tournée se poursuit toujours.

The Only Ones : pas morts…

le conseil du bourgeois

Ça commence comme un scandale : au sortir de l’indépendance, à la fin de l’année 1958, la Guinée est dans un état assez déplorable avec ses infrastructures quasi inexistantes, ses six diplômés d’université en tout et pour tout et un système éducatif à construire (moins de 1% des enfants sont scolarisés).

Le nouveau président Sékou Touré décide donc d’agir de manière énergique et… considère que le prestige culturel fera un très chic paravent. Il investit donc une immense part de ses ressources dans une politique ambitieuse : création d’orchestres dans chaque région ou préfecture, cahier des charges précis, surveillance serrée et fonctionnarisation des musiciens…

Et ça marche.

Durant les années 60 à 70, les orchestres guinéens du label Syliphone seront à l’avant-garde de la musique africaine.

A défaut d’apporter la prospérité à ses citoyens, le président peut donner l’illusion que les temps anciens de la splendeur sont revenus lorsqu’à l’époque de l’immense Empire du Mali, fondé par Soundiata Keita au XIIIe siècle, la Guinée en abritait la capitale  et donnait le la d’un territoire qui s’étendait du Sénégal au Mali, de la Gambie au Burkina Faso.

Sékou Touré évoque d’autant plus ce glorieux passé que l’empire correspond à l’apogée de la civilisation Maninka, son ethnie d’origine ; l’ordinaire des petits maîtres d’Afrique.

C’est dans ce contexte qu’à Beyla, petite ville du sud-ouest du pays, est formé en 1961 le Bembeya (du nom de la rivière locale) Jazz National (ce dernier terme n’apparaît qu’en 1966, suite à une promotion gouvernementale).

Comme une grande part de la musique africaine d’alors (Orchestra Baobab, le Star Band de Dakar) les rythmes sont cubains mais l’ancrage traditionnel exigé par le gouvernement, l’importance de la guitare électrique de Sekou Diabaté, (tandis que l’autre guitare, rythmique, sonne presque comme un balafon) les riffs de cuivres punchys aux fréquents changements de tempo gardent l’influence à une distance suffisamment respectable pour que l’originalité du groupe soit évidente.

Mais c’est sûrement la voix poignante de Demba Camara (lors d’une tournée du Bembeya Jazz National à Cuba, il aurait fait pleurer le chanteur Abelardo Barroso) qui transcende les qualités du groupe et lui donne sa beauté si singulière : farouche et pourtant infiniment touchante.

Entre 1968 et 1973 l’orchestre aura sorti quelques inusables merveilles, cinq années de grâce absolue.

Puis, une coupure brutale : un accident de voiture en avril 1973 à Dakar et le chanteur décède.

Depuis, Bembeya Jazz National n’est plus qu’un (très) bon groupe et ce n’est déjà pas si mal.

le conseil du bourgeois

Un traducteur cleptomane, qui dépouille le texte original de ses objets de valeurs, la méthode pour faire croire à un Bulgare que vous maitrisez parfaitement sa langue, le combat d’un poète qui veut absolument rester pauvre car il en va de sa crédibilité, l’éloge funèbre d’un chapeau «la partie du vêtement la plus noble », un président qui ne cessait de dormir car « il connaissait merveilleusement et les hommes et la vie, la vie qui d'une manière ou d'une autre s'arrange toujours, à la seule condition qu'on ne s'en préoccupe pas. »

Et dans ce burlesque magyar, Kornél Esti qui se promène, tantôt héros, tantôt narrateur, tantôt simplement là…

Kornél Esti, c’est un peu le double « goguenard et sans contraintes », de Dezsö Kosztolànyi, écrivain Hongrois, né en 1885, vivant, comme son personnage fétiche, à Budapest « aussi seul qu'il l'aurait été à Madagascar ou aux îles Fidji, » et qui sait que, malgré l'aspect policé de nos extérieurs civilisés, ceux qui « jouent les bons apôtres, […] dès qu’ils sont deux, en dévorent jusqu’à l’os un troisième » et que c’est drôle à se tordre.

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Le Traducteur Cleptomane  de Dezsö Kosztolànyi. Editions Viviane Hamy

le conseil du bourgeois

Août…

En ces temps de torpeur, il sera doux d’accompagner le lent tintement des glaçons d’un Stan Getz – période samba ou arrangé par Eddie Sauter.

Plaisirs capiteux...

On pourra ensuite, le soir venu, se trémousser mollement, éléphanteau dandinant, sur de vieux airs de calypso ou sur ces rock-steady grésillant que Trojan a amoureusement compilés.

Cette façon de se vautrer dans les clichés estivaux est bien vénielle et ne devrait pas mériter de condamnation autre que celles qu’accompagne souvent un fort parfum d’aigreur.

Mais il n’est pas davantage sujet à reproche de vouloir, malgré la chaleur et ses ralentissements, secouer un peu tout ceci et laisser parfois corps et cris suivre d’épileptiques brutalités.

Pour ces désirs de ruptures, rien ne vaut quelques doses de Naked City.

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Ce groupe, au casting luxueux et changeant (John Zorn, Bill Frisell, Wayne Horvitz, Fred Frith, Joey Baron ; Yamatsuka Eye ou Mike Patton parfois) et au nom inspiré d’un polar de Jules Dassin, imbibé de poisse new-yorkaise, sait vous infliger les pires violences comme personne, à grand coups de discontinuités (les morceaux peuvent durer 20 minutes comme huit secondes ; les genres s’enchainent, se chevauchent, partouzent et se chicanent fébrilement) et d’humour grinçant..

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Tenter la traversée des cinq volumes (réédités l’année dernière) est peut-être un peu ambitieux (voire dangereux, à cette idée je repense aux fatales explorations du Navidson Record dans la Maison des feuilles) mais une petite heure de temps en temps (voire moins si vous êtes sensibles) vous laissera dans l’ébouriffement ravi qui suit le cul sec d’un long verre de palincă.

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le conseil du bourgeois

Itunes m’aura permis de m’adonner avec fureur à deux marottes : l'écoute de morceaux en ordre aléatoire et la construction d’ambiances musicales par regroupements thématiques.

Je me régale à mêler artistes, albums, genre pour façonner les "papyboomly correct", "musiques gaffophoniques", "n(h)ip(-h)on" ou "au chic moderne" (oui, bon ; le plaisir est dans le titre aussi) qui cinématographient mon quotidien. Un vice qui me semble bien innocent mais que désapprouve mon vieil ami Guy-Ernest, ronchon moraliste qui y voit le symptôme de l’homme moderne pour lequel « tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. »

Ces derniers temps, la liste de lecture vers laquelle je reviens le plus volontiers s’intitule "chicagoens". Celle-ci n’a pour but de me transporter au volant d’une Mustang GT 68 (je n’ai même pas le permis d’abord) et ce, bien que j’ai pour Steve Mc-Quenn une admiration envieuse (et là, c’est mon ami Théodor qui maugrée à son tour à propos de ces poses viriles qui s’infusent par mimétisme via ces « héros de la pellicule [qui] montrent comment il faut faire au dernier des employés de banques lui-même. »).

Non, je suis plutôt à la recherche du pouls d’une ville qui, depuis l’AACM, pratiquant les croisements et les greffes comme un art de vivre, nous propose régulièrement quelques unes des musiques contemporaines les plus excitantes. Que ce soient les vétérans du free jazz tels l’Art Ensemble of Chicago et Henry Threadgill ou les plus récents Chicago Underground trio (ou quartet), les post-rockeux de Tortoise ou de Gastr del Sol, Bonnie Prince Billy (alias Will Oldham, alias Palace) chanteur de country phtisique ou encore The Aluminium Group ou The Sea and Cake, amateurs de pop légère, tous ces gens là donc, pour différents qu’ils soient, sont reliés les uns aux autre par un fil parfois ténus et dans leur diversité même composent l’unité musicale (seigneur, mais, c’est beau comme un slogan européen) d’un Chicago fantasmé à défaut d’être connu.

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La maison vous propose :

 

- The Art Ensemble of Chicago : Les Stances à Sophie

- The Sea and Cake : Fawn

- Henry Threadgill : Make a move

- Tortoise : TNT

- The Chicago Underground Quartet : Chicago Underground Quartet

- Gastr del Sol : Camoufleur

- Bonnie Prince Billy : Letting go

- Exploding Star Orchestra : We are all from somwhere  else

 

le conseil du bourgeois

Ce n’est pas que je me désintéresse de la campagne électorale, j’ai d’ailleurs suivi avec intérêt (et même un certain plaisir) le débat Bayrou-Royal (sur la télévision en même temps que je consultais deux live blogging, de quoi occasionner un tournis très contemporain) mais parfois, la faute à un peu de lassitude sans doute, je sèche volontairement ce qu’en bon citoyen je devrais suivre avec assiduité, au profit de ma dévédéthèque.

Jeudi soir donc, j’ai préféré Mizoguchi à Sarkozy, ce qu’en soi je trouve difficilement condamnable, et décidé de revoir L’Impératrice Yang Kwei-Fei (ou Yokihi si on veut faire son pédant, ce que je ne me refuse pas toujours), le premier film en couleur (enfin, pour être plus précis, en Daieicolor, pédanterie toujours) du cinéaste nippon, qui faisait à cette occasion une incursion dans l’histoire chinoise du 8^e siècle en s’intéressant aux amours de l’empereur Wei-Song et de Yang Kwei-Fei.

Bien sûr, on retrouve dans ce film LA thématique mizoguchienne (enfin selon Télérama au moins) de la femme privée de la maîtrise de son destin et ballotée parce que réduite au seul instrument des ambitions de personnages masculins autant qu’écrasée par une société violemment patriarcale. Ce n’est pas forcément ce que j’en retiens. Peut-être aussi qu’à revoir un film, on est plus sensible à ce qui en fait la singularité qu’à ce qui le rattache de manière évidente à l’œuvre de l’auteur dans son ensemble mais j’avoue que j’ai été cette fois plus sensible au rapport qu’entretenait l’empereur à un pouvoir dont il est censé être la source.

Une scène symptomatique : Wei-Song, tête basse, écoute son premier ministre lui annoncer qu’une de ses épouses doit être mise à mort car s’étant mêlée de politique et ce, au nom de lois qu’il a lui-même promulguées et auxquelles il se plie maintenant avec une triste résignation.

Paradoxe tragique et fascinant sur lequel Jean-Louis Thireau, dans son Introduction historique au droit, se penche un instant en remarquant que, si les Grecs de l’antiquité ont « inventé » le droit positif, en ne se référant plus à la volonté des dieux ou aux coutumes des anciens mais, à partir de la fin du VI^e siècle av JC, en identifiant le droit aux lois promulguées par les grands réformateurs ou votées par les assemblées (« un droit écrit, de création humaine, tenant dans des lois établies par tous et connues de tous ») ils ont également fait de cette loi un absolu, non contestable, auquel les citoyens étaient tenus de se soumettre et qu’ils devaient « défendre avec la même énergie que le territoire de la cité. » Où on retrouve dans le phénomène législatif ce que Gombrowicz disait, je crois, plus généralement de la forme (on dira plus tard la structure) : que l’homme en était simultanément le père et le fils.

Si j’avais davantage tenu mes engagements j’aurais puisé dans la théorie de la médiation pour éclairer et approfondir ces questions, vous parler des rapports instituant/institué, réglementant/réglementé. J’en connais qui pourraient brillamment s’en charger (hum ! Discret appel du pied…).