« Il se perdait, il sentait qu’il était mal à l’aise, vraiment
très mal à l’aise, que le terrain se déroulait sous ses pieds, qu’il avait mis,
justement, le pied Dieu savait où et qu’il ne pouvait plus ressortir, qu’il
était dans la nuit. »
Dostoïevski dans Une sale histoire
La méfiance devant tout ce qui sent un peu trop le All Star Game
culturel est un sain réflexe.
Si, sur le papier, les rencontres de prestiges sont alléchantes,
les talents s’additionnant souvent moins heureusement que les notoriétés les
attentes sont déçues plus souvent qu’à leur tour.
Prenez Liliom : un vrai fantasme d’affichistes, pensez,
Antonin Artaud et Fritz Lang se partageant le même espace papier et c’est le
divertissement qui s’éloigne au profit du Kulturel.
Ça aurait très bien pu être vrai, après tout, Artaud a, avant
l’auto-combustion, montré son visage torturé dans plusieurs films, aux
prestigieuses signatures souvent, et dont certains très bons.
Et pourtant ce film (je ne compte pas vous en faire le résumé, ce
n’est pas le propos et il est tard ; cliquez, les liens sont faits pour ça),
transition entre – pour reprendre les propres mots de la Bible Lourcellienne – « Les
noirs d’encre de l’expressionisme et les gris d’acier de la période
américaine », se révèle assez médiocre.
Le mélange de réalisme et d’onirisme ne prend pas et on sent Lang très
embarrassé par ce réalisme poétique si typically french qu’il semble tenir du
folklore obligatoire.
Pourtant, de ce quasi ratage, je garde quelques souvenirs très
précis et vifs.
C’est qu’une scène dans laquelle intervient Antonin Artaud (j’ai
oublié de préciser qu’il tient un rôle minuscule. Quoi, ça flingue mon
intro ?) ne m’a jamais vraiment quitté.
Artaud, ange gardien du personnage principal se révèle à lui alors
qu’on emmène ce dernier vers le purgatoire. Il n’aura pas vraiment failli dans
son travail d’ange gardien, après tout il était là pour indiquer le bon chemin,
ce qu’il a fait. Et, devant Liliom (le personnage principal donc), revoyant
toutes ces occasions manquées, passant de la compréhension, brutale,
douloureuse à une supplique pas moins pourvue de telles qualités, l’ange
gardien, sourire angélique (forcément), voix douce à l’excès se contente d’un
simple « trop tard » !
Je ne finis toujours pas d’en frissonner.
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