Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé mais je peux lister par cœur les vainqueurs de Roland-Garros de 1973 à nos jours.
Parfois même le finaliste malheureux et le nombre de sets.
Oui, je sais cela ne sert pas à grand-chose mais ma mémoire, que je crois assez bonne, est ainsi faite qu’elle peut retenir un nombre – parfois considérable – d’informations sans utilité pratique ou sociale aucune.
Enfin si, utile pour moi.
Ces différent vainqueurs, de Nastase à Nadal, forment une mesure à l’échelle de laquelle je place les événements de ma vie.
Enfin, pas Nastase, bien sûr, même si j’ai porté ses chaussures plus tard, je n’étais pas né.
De même que je n’ai aucun souvenir personnel lié aux triomphes de Borg, Pannata ou Vilas.
La victoire en 1979 de Borg face au Chilien Pecci (en quatre sets : 6-3, 6-1, 6-7, 6-4) m’est par contre très familière mais surtout parce que c’était le programme que France Télévision (à l’époque Antenne 2 et FR3) se plaisait à diffuser les jours de pluie durant les années 80.
C’est aussi à partir de cette année que je sais que Borg gagne à la fin, toujours. Et quand ce n’est plus lui, c’est un autre Suédois, qui l’emporte, en 1982, contre le dernier résistant des cheveux longs à bandeau.
J’ai aussi un souvenir parfaitement net de la victoire de Noah l’année suivante, avec une joie parentale dans ma mémoire presque équivalente à celle due à l’élection de Mitterrand deux années plus tôt (car, oui, je suis issu d’une famille de gauche).
Je me souviens aussi que c’est le dernier match auquel j’ai assisté dans la résidence dite du Golf, sise 18 allée Jean Philippe Rameau, 44800 Saint-Herblain.
L’année suivante, en 1984, alors que tout le monde ou presque se lamentait de la défaite de John Mcenroe, je me réjouissais au contraire : Lendl avait alors une image de loser qu'on pouvait prendre en pitié.
Et j'étais trop jeune pour réaliser à quel point le jeu de McEnroe tenait du pur génie. Je ne voyais que ses colères et, plus généralement, son comportement à mes yeux inadmissible.
C’était aussi la première finale regardée dans la nouvelle maison avec jardin sise en la belle commune d’Orvault.
Ceci coïncide avec le moment où je passe d’une vie sociale de lotissement, avec des copains toujours trouvables à l’extérieur, à un certain isolement social auquel un tempérament et les lois régissant les relations au sein du collège m’auraient sans doute conduit de toute manière.
En 1988, un spectacle dans lequel dansaient – sur la chanson « je veux être un Bisounours » – mes frère et sœur en leur septième année, me prive de la défaite expresse et triste de Leconte face à Wilander.
De là date peut-être mon allergie radicale – et à ce jour non démentie – aux festivités de fin d’année, scolaires ou associatives.
En 1989 finissaient sans un regret mes années collège dans le service à la cuillère de Michael Chang et sa victoire finale.
Les échecs répétés d’André Agassi, mon joueur favori, celui dont les posters ornaient ma chambre de lycéen, auront connu un épilogue émouvant et magnifique en 1999 alors que Madame (pas encore) Mon Epouse entrait dans ma vie.
A travers les grises années de l’hégémonie du lift hispanique – dont les deux victoires de Bruguera en 93 et 94 furent une sorte d’avant-propos, le merveilleux Federer (« le tennis a été inventé pour qu’il y joue un jour ») parvenait enfin en 2009, alors que je venais d’entrer dans la catégorie familles nombreuses, à décrocher son Roland.
Six ans plus tard, ma dernière née récemment arrivée, c’est un autre Suisse, en affreux short celui-là, qui vint prélever une petite part de la propriété nadalienne.
En somme, Roland-Garros est un peu mon carbone 14.
Jusqu’à présent.
Il est possible que ma récente conversion au basket lui fasse désormais concurrence.
A force de lectures, de vidéos YouTube, de documentaires et de rediffusions, l’historique des équipes victorieuses s’est construit une place, peut-être durable, dans ma tête.
Enfin pour l’instant je ne remonte qu’à 1983, année de la dernière victoire des Sixers de Philadelphie, mon équipe de cœur.
Mais je m’aperçois soudain de la longueur terrifiante de cette note. Il faut savoir conclure, le temps presse et votre patience s’use.
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