Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé, mais j’ai un problème de convictions.
Donc un problème de point de vue.
En dehors de quelques valeurs fondamentales, elles bien ancrées, qui m’aident à décider sans hésitation tout, la plupart du temps, me semble présenter trop d’aspects : un envers, un endroit et tout un tas de facettes ou de replis entre les deux.
La puissante alliance du « tout le monde a ses raisons » et du « c’est le dernier qui a parlé qui a raison » me rend toute conviction sinon impossible du moins très fragile et souvent changeante.
Tout cela ne serait pas bien grave si je n’étais parfois rattrapé par la vie sociale que je tente d’éviter la plupart du temps.
Dans un pays comme le nôtre où la polémique et le clivage des opinions bien tranchées forment un fond culturel permanent il m’est difficile de rester confortablement à l’abri de mon flou. Et de petites formules bricolées disant par exemple que je ne sais plus où ne pas donner de la tête, les débats où il me semble urgent de ne surtout pas intervenir se multipliant de plus en plus vite ne peuvent très longtemps éluder la question.
Deux options s’offrent alors à moi.
Il arrive que je prenne le parti de qui m’entreprend, opine du bonnet à ses propos, ponctue ses arguments de quelques « c’est sûr ». Mais c’est avec si peu d’entrain qu’on doute vite de la sincérité de mon assentiment.
Parfois, d’humeur plus joueuse ou taquine, et si mes moyens intellectuels répondent présents, je peux au contraire m’appliquer à montrer que le sujet sur lequel s’exerce le point de vue de mon interlocuteur peut présenter un envers, un endroit et tout un tas de facettes ou de replis entre les deux.
Mais le jeu, vice en forme de pente, m’entraîne souvent jusqu’à soutenir bruyamment ce que je ne partage pourtant pas le moins du monde.
Dans un cas comme dans l’autre je me trouve à me glisser, de plus ou moins bonne grâce, dans une opinion qui n’est pas la mienne. Enfin tant que n’interviennent pas dans le débat les quelques valeurs fondamentales et elles bien ancrées qui m’aident à décider sans hésitation.
C’est tout de même bien embêtant pour qui comme moi a une conception un peu puritaine de l’honnêteté intellectuelle. Le souci c’est que j’ai également une conception assez puritaine du respect des usages et politesses et qu’il m’est donc difficile de décliner tout débat.
Le douloureux dilemme.
Vous me direz que c’est moi même qui complaisamment m’y place. Enfin, vous me le diriez mais le temps presse et votre patience s’use.
Quand j'étais étudiant (il y a donc fort longtemps) je jouais beaucoup au jeu consistant à prendre le parti inverse de mon interlocuteur. J'estime (peut être à tort) que cela m'a beaucoup appris, essentiellement sur les arguments de ceux que je défendais l'espace d'un instant. Je n'y joue plus que très rarement, et ce n'est d'ailleurs plus un jeu volontaire : je me laisse entrainer dans ce jeu par des personnes qui ont des idées trop arrêtées et en fait avec qui il est impossible de discuter dans le sens avoir une réflexion en commun; le problème est qu’aujourd’hui je ne discute guère qu'avec des personnes qui sont en gros d'accord avec moi, ou avec quelques rares amis, avec lesquels l'estime réciproque permet l'écoute des désaccords
Rédigé par : Verel | 17 janvier 2020 à 09:03
C'est sans doute que nous sommes tous les deux du bois dont on fait les sociaux-traîtres. :o)
Blague à part, je comprends très bien la mécanique.
Par ailleurs, en ce qui concerne ton manque actuel j'ai cru voir que twitter palliait en partie ça. Il me semble t'avoir vu te confronter à des gens avec lesquels tu étais en franc désaccord.
(Et sinon, il suffirait que je refasse une soirée blogueurs et assimilés chez moi. Je suis certain de pouvoir trouver dans mes relations et amitiés des gens avec lesquels tu pourrais débattre vigoureusement.)
Rédigé par : aymeric | 17 janvier 2020 à 20:25