La nuit n’a pas atténué les bruits de la rue.
Trois années passée à ne donner que sur des cours et je m’aperçois que me manquaient, ces moteurs, ces conversations, sirènes, coups de frein, etc.Rien, sans doute, ne me berce davantage que cette ville qui tonne sous mes fenêtres que des cartons empilés obstruent partiellement.
Elle a quelque chose de la pluie qui claque sur la toile de tente ; elle met en valeur mon abri.
Deux mois plus tôt je vivais sous les arbres et le vent d’ouest qui s’amuse à les tordre.
Deux heures par jour je secouais mon corps sur des rondins de pin, les éclatais en bûches brûlables.
Il y eut des récalcitrants.
Jeunes, humides, truffés de nœuds ; la cognée y rebondissait.
De quoi se faire peur, un peu.
Le plus souvent, à force d’heures passées sur eux, ils finissaient par se déchirer en effilochages hideux, charpies qu’on ne peut décemment exposer sur son fier tas de bois.Mais sans ces difficultés le plaisir n’aurait pas été complet.
Les enceintes tournées vers l’extérieur, la musique rythmait mes coups.
D’abord logiquement porté sur les sons rugueux que je pensais mieux accordés aux travaux de bûcheronnage, j’en suis venu à préférer transpirer sur des quatuors à corde.
Schubert surtout, Mendelssohn parfois et mes ahanements de brutes devenaient légers.
Je me voyais pris dans un des montages sautillants de Michel Deville, ce cinéaste si français d’esprit et de goût.
-
« La divinité de la France : le goût. Le bon goût. Selon lequel, le monde – pour exister – doit plaire ; être bien fait, se consolider esthétiquement ; avoir des limites ; être un enchantement du saisissable ; un doux fleurissement de la finitude. Un peuple de bon goût ne peut pas aimer le sublime, qui n’est que la préférence du mauvais goût porté au monumental. »
Emil Cioran De la France
Voltaire In l’Encyclopédie article consacré à l’esprit.
Trois semaines maintenant que nous avons changé de rive.
L’indispensable, vite sorti des cartons est déjà en place.
Les finitions s’éterniseront très certainement ; c’est l’ordinaire.
Les enfants sont rentrés. Il serait bon que je mette à mon tour les deux pieds dans cette nouvelle saison.
J'adore ce billet. Si je peux me permettre. L'évocation du contraste du bucheron sur fond de musique classique, et de l'urbain qui aime les bruits de la ville, la violence sourde qui s'immisce dans le vide de l'appartement bourgeois.
Et l'élégance, le goût, la délicatesse comme canal.
Waow !
(et ça a l'air pas mal, chez vous autres, dites-donc).
Rédigé par : nv | 17 septembre 2009 à 09:21
Quel magnifique tas de bois, je suis jaloux, j'ai même pas pu fendre une bûche cette année !
Et cet appart... c'est quand la pendaison ? :)
Rédigé par : Gaspard | 17 septembre 2009 à 09:52
Elégant, c'est le mot.
Et je ne parle pas (que) de votre nouveau salon.
Rédigé par : typh | 17 septembre 2009 à 17:35
Euh, et bien merci à vous...
(Ah Gaspard et son œil de professionnel.)
Rédigé par : aymeric (rougissant) | 18 septembre 2009 à 08:00
Ah oui. Quand même. Et tu penses pouvoir te repérer dans cet appartement sans boussole ? Tu crois que tu réussiras à survivre à la lumière du jour ?
Rédigé par : Denys | 22 septembre 2009 à 18:30