Je ne cherche pas particulièrement à émouvoir mais sachez que bénéficier de réductions en tous genres se paye.
Depuis que prendre le train me coute 30% moins cher que la plupart d’entre vous et bien je suis condamné, comme en contrepartie, à ne pouvoir suivre les émissions de radio que partiellement, en permanence contraint à coudre grossièrement des bribes.
Tenez, dimanche dernier j’impose en maître du foyer mon Meyer dominical et pas moyen de suivre.
Insensibles à l’autorité du père, mes rejetons ont multiplié les plus bruyantes manifestations d’enthousiasme juvénile.
Là où c’est devenu vraiment frustrant c’est que j’ai eu le temps de reconnaitre dans le tohu-bohu la voix d’un Jean-Louis Bourlanges qui s’était fait bien trop rare ces derniers mois et qui m’a d’autant plus manqué que c’est le triste Pastré qui a le plus souvent squatté la place inoccupée.
Heureusement le progrès, qui parfois mérite son cierge, rend possible de réécouter tout cela plus au calme lorsque les enfants – merci Madame Carpantier – sont retenus ailleurs.
Ainsi je m’aperçus aujourd’hui que Jean-Louis avait décidé de fêter nos retrouvailles d’une drôle de manière, m’obligeant pour une fois à être en désaccord avec lui.
En effet (ha ha) à la 19e minute de l’émission, il a dit : « Il y a traditionnellement une certaine animosité entre la communauté noire et la communauté juive américaine »
Mon cher Jean-Louis, c’est peut-être vrai maintenant mais ça n’a rien de traditionnel.
C’est même curieux qu’un érudit tel que toi, fin connaisseur des cultures étrangère et tout et tout n’ait pas pensé au NNACP (National Association for the Advancement of Colored People), fondé par des avocats juifs et noirs.
Sans même remonter aussi loin, comment as-tu pu oublier les mouvements des droits civiques des années 50 et 60 avec la fameuse affaire du Freedom Summer et l’assassinat de trois activistes : deux juifs et un noir dont Alan Parker avait tiré un si mauvais film.
Alors, pour que cette belle entente s’effiloche en quarante ans, pour qu’on en arrive maintenant à penser l’animosité actuelle comme traditionnelle qu’est ce qui a bien pu se passer ? Oui, comment ça a commencé à déconner ?
Dans son livre Can’t stop won’t stop (sur la culture Hip-Hop, mais que ça ne vous empêche pas de lire ce qui va suivre), Jeff Chang prétend carrément dater le moment de bascule.
Selon-lui tout a changé lors d’événements qui se sont déroulés à New-York dans le quartier d’Ocean Hill/Brownsville, une zone sinistrée et composée à 95% d’afro américains et de portoricains.
En 1967, sous le mot d’ordre de « contrôle par la communauté », l’administration scolaire nouvellement élue et composée principalement d’activistes noirs nomma un nouveau directeur et cinq nouveaux proviseurs, tous noirs.
De son côté, la fédération unitaire des professeurs (UFT), un syndicat d’enseignants progressistes principalement juifs, commença l’année scolaire par une grève, suite à la brutalité de changements non motivés par des critères professionnels. L’administration entreprit alors de remplacer les professeurs syndiqués par des professeurs de couleur appartenant à la communauté. Et voilà qu’arrivent les conditions pour un affrontement dont les plus gros dégâts seront les collatéraux
Après deux ans de conflits permanents, les professeurs syndiqués l’emportèrent, reprirent leurs postes, l’administration fut dissoute et le directeur noir placé sous la tutelle d’un administrateur de l’état. Les vainqueurs n’avaient certes pas fait campagne au nom d’une quelconque communauté juive, mais c’est bien comme ça qu’ils furent perçus par les activistes du « contrôle par la communauté » qui ne leur pardonnèrent jamais et les rangèrent globalement parmi les ennemis de la communauté.
Évidemment, vous êtes sceptiques et moi aussi. Considérer que c’est de cette quasi anecdote que découle l’antisémitisme maladif d’un Farrakhan ou d’un Professor Griff, parait un peu excessif.
Et c’est oublier le rôle de l’arrivée de l’Islam dans le militantisme noir, la radialisation des Blacks Panthers dont la dérive, haineuse et raciste, a été très tôt perçue par Romain – gloire à lui – Gary. Mais à ces causes, on peut toujours trouver d’autres causes.
Tandis que l’affaire d’Ocean Hill/Brownsville illustre bien ce moment où les alliés d’hier se retrouvent opposés d’intérêts quant il faut à la fois partager le butin et décider des actions à venir.
Voilà ce que j'avais écris :
"Euh, sans vouloir foutre ma zone, cher Aymeric, je te signale que depuis un certain nombre d'années le Meyer dominical est devenu le Meyer du samedi (saturnal?). Tes vendredis soirs doivent être bien arrosés à ce que je vois. J'espère que du coup tu ne vas pas au boulot le dimanche ?"
...quand j'ai eu l'idée de cliquer sur le "Meyer dominical". Et oui. C'est le même Meyer mais pas la même émission ( http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/laprochainefois/)ni la même radio. Voilà un bon exemple du malentendu culturel qui pourrait illustrer mon commentaire sur un autre article.(http://cinquieme.typepad.com/le_cinquime/2009/05/les-structures-%C3%A9l%C3%A9mentaires-de-la-discrimination.html).
Enfin ça pourrait être pire, je pourrais écouter Patrick Sébastien sur RTL :-)
Rédigé par : le passant | 30 mai 2009 à 12:22
Bonjour aymeric,
D'accord avec vous, le propos de Bourlanges est très contestable, mais l'absence de réaction de ses camarades (je pense à Max Gallo qui en général, ne perd jamais une occsasion de rompre en visière avec le successeur de Jean-Claude Casanova)est également très étonnant. Cependant à sa décharge, on peut se demander si le lien entre les deux communautés n'était pas purement tactique. je me cite très immodestement:
"les deux groupes désirant ardemment s’intégrer, trouvaient tactiquement plus judicieux d’unir leurs revendications. Jean-Noël Jeannenay sur France culture, rappelle que la conversion du chanteur Sammy Davis Jr au judaïsme en 1954, après un accident de voiture, symbolise assez bien cette union qui sera brisée, lorsque les Black Panthers écriront dans leur journal, ”Amerikkka” (avec 3 “k” pou Ku Klux Klan), heurtant incidemment le patriotisme des juifs américains; et surtout en 1967 quand les noirs américains liés au tiers-mondisme s’opposeront à la guerre des 6 jours. Dès lors, on ne doit pas s’étonner qu’actuellement, les électeurs juifs, pourtant en majorité démocrates, ne soutiennent pas réellement Barack Obama…"
Rédigé par : equinox | 13 juin 2009 à 15:07
Ah mais, mon cher equinox, nous sommes d'accord. Le rapprochement était plus due à une convergence temporaire d'intérêts qu'à des affinités profondes ; d'où ma conclusion d'ailleurs.
Il n'en reste pas moins que le renversement des rapports, par sa brutalité, est aussi curieux que déprimant.
Rédigé par : aymeric | 14 juin 2009 à 20:00