Je n’avais jusqu’à présent rien dit sur Gaza. Rien.
Pas très envie de rajouter ma petite opinion sur l’étal déjà largement surchargé des commentaires.
Et puis il y eut Londres.
Pourtant nous n’étions là que pour profiter la grande braderie, pour dépenser les sous que je n’ai plus.
Mais, multiplier les emplettes vous fatigue un homme n’est-il pas ? A fortiori une dame portant six mois de grossesse par devant soi. L’heure nous semblait donc venue, ce samedi après-midi de poser nos corps fourbus de vils consommateurs et de remplir nos estomacs d’un peu de cette cuisine légère qui fait le charme de tant d’échoppes du cru.
C’est à proximité de Trafalgar Square que nous nous arrêtâmes et que, nos jambes à peines délassées, entendîmes comme une rumeur, une onde qui faisait vibrer trottoirs et tympans. Le bourdonnement de plusieurs milliers de bouches causeuses lardé d’intermèdes plus grésillant émanant très surement de porte-voix tenus par des mains qu’on imaginait fermes de certitude militante.
Et m’exclamant tel Souplex : Bon Dieu ! Mais c’est bien sûr !
La manifestation de soutien au Gazaouis.
J’ai déjà confessé ici que le pro-palestininisme réflexe, si fréquent dans notre pays, n’était pas exactement ma cup of tea. Et, quitte à paraître indécent, je crois, même maintenant, pouvoir comprendre ces Israéliens vivant sous la menace permanente des roquettes et réclamant à leur gouvernement d’énergiques mesures pour faire cesser ces tirs.
Mais, le drame étant, comme le disait ce bon Renoir, que dans ce monde chacun a ses raisons, le moins que l’on puisse dire est que la situation de Gaza n’a rien mais vraiment rien pour favoriser les mœurs pacifiées de ses habitants.
Et, vu qu’en bon occidental préservé, la guerre, dès lors qu’elle devient une réalité visible, m’est insupportable, les demandes de cessez le feu alors émanant d’un peu partout suscitaient spontanément ma sympathie.
J’entends bien les arguments d’Israël pour donner à ses frappes des allures civilisées (tracts parachutés, appels donnés,…), il n’en reste pas moins que les dégâts occasionnés sont considérables, la violence des frappes et des armes utilisées peu en rapport avec la bonne volonté affichée et les bénéfices à long ou même moyen terme plus qu’incertains.
Et il est une chose qui m’agace c’est cette justification par le vote, la population étant jugée coupable, dans son ensemble, d’avoir voté pour le Hamas. Outre qu’il y a là confusion, fort irritante, entre la majorité d’une population et l’ensemble de celle-ci, on retrouverait presque ici la logique des attentats suicides, celle qui nie l’innocence des civils ; cette logique-même qui fait, dit-on, du Hamas un interlocuteur impossible.
Enfin, je ne pouvais m’empêcher de me demander comment, lorsqu’on se pose, et à raison d’ailleurs, comme la seule véritable démocratie du Moyen-Orient, comment donc peut-on attendre un tel bilan comptable pour se poser enfin la question d’un arrêt de l’offensive ; même de vingt-quatre heures.
Une victoire militaire à ce prix, en valait-elle vraiment la peine ?
Peut-on même parler de victoire ?
Ces réflexions défilant au rythme des marches citoyennes me décident finalement à rejoindre ce grand mouvement pour la paix.
Et, malgré ma crainte de la foule, ma trop grande perméabilité à l’émotion qui me rend si aisément manipulable, je rejoins, une fois ingurgités poissons frites et bière, les bonnes volontés par milliers.
Déception.
Arrivé tout chagrin et amour, la paix vibrant en moi comme dans une chanson d’Enrico Macias (euh, en fait non, peut-être pas d’Enrico Macias) quelques minutes suffiront pourtant à me rappeler pourquoi je n’ai jamais pu arborer le keffieh –je veux dire, en dehors de considérations purement esthétiques.
Ces gamines, six ans à peine, moins même pour certaines, moins voilées que recouvertes, enserrées de tissus. Ces affiches de nazis portant étoile en lieu et place de svastika ou encore ces membres de socialist workers, badinant à leur stand et dont l’un a dessiné au dos de sa pancarte Peace for Gaza une étoile de David ornée de ce titre : the devil symbol, et où apparaissent, saillants, les trois six du Démon. Les mêmes socialists ne voyant là, comme d’habitude, qu’une illustration du grand complot néolibéral d’où découle tous les malheurs du monde comme tout bon citoyen devrait le savoir.
Concentré d’ondes négatives qui me crispent et me font détaler assez rapidement.
Découragement…
Il y a de cela plusieurs années, j’étais tombé par hasard sur un débat entre un unioniste et un ancien membre de l’Ira.
Nous étions en 1998. Les accords de Belfast étaient tous frais. Ces deux là se seraient tiré dessus à peine une poignée de semaines auparavant.
A un moment le journaliste leur demande quand, et comment s’est prise la décision de renoncer à la violence. Réponse de l’un des deux, l’unioniste il me semble : « Le jour où je me suis rendu compte que je ne pourrais jamais anéantir mon ennemi. »
Je prie pour un découragement généralisé.
Euh, oui?... ;-)
Rédigé par : François Brutsch | 21 janvier 2009 à 10:29
teasing.
Le reste suit d'ici peu...
Rédigé par : aymeric | 21 janvier 2009 à 10:33
Londonistan ?
Rédigé par : LOmiG | 21 janvier 2009 à 11:33
Jusque là, je partage ce point de vue. J'attends la suite
Rédigé par : Claudio Pirrone | 21 janvier 2009 à 13:45
Très joli titre
(et assez d'accord sur l'hésitation sur le fond aussi, même si chacun des deux camps récusera ce risque d'équivalence pour telle ou telle raison).
Rédigé par : Phersv | 21 janvier 2009 à 17:32
@ LOmiG,
Bingo.
@ Claudio,
En fait il n'y pas de suite prévue. A 10h33, il n'y avait que le titre et l'image.
@ Phersv,
Merci. Et, effectivement, les deux camps me semblent pour l'instant assez peu capables de recul, ce qui se conçoit ceci-dit.
Rédigé par : aymeric | 22 janvier 2009 à 19:48
Oh mais je ne savais pas que Camille attendait un bébé ! (si j'ai bien compris!)
Félicitations !
Je vais retenir cette bonne nouvelle de ce billet, dont je partage par ailleurs les idées.
Rédigé par : samantdi | 24 janvier 2009 à 14:24
Tout à fait d'accord. J'ai toujours trouvé louche ces "mouvements pour la paix" qui véhiculent de la haine. En fait ils ne veulent pas la paix, ils veulent la victoire, ce qui n'est pas pareil...
Rédigé par : polluxe | 26 janvier 2009 à 11:48
Très beau billet, très juste. Cette perception de la chose est tout à fait en ligne avec ce que je ressens.
J'avais réfléchi à un billet sur ce sujet après une expérience délicate. Nous étions au début du mois avec des voisins et amis (juifs) à la patinoire en plein air lorsque nous avons été submergés par la manif contre l'invasion de Gaza.
Voir des gamins de 11 ans hurler "Israel assassin, sarkozy complice" est une vision assez choquante. Je ne suis pas un spécialiste mais il me semble avoir vu un drapeau qui pourrait très bien être celui du Hamas. Je ne pourrais jamais participer à une telle manif en raison de sa récupération : Hamas, et au delà, Ahmadinejad.
Même si je sais que la situation est complètement différente à celle de la IIeme guerre, je me suis dit que si mes potes (devenus livides) avec leurs 3 enfants ouvraient la bouche pour emettre la moindre réserve, ils se feraient molester sur place. Je me suis du coup senti un peu lache. C'etait assez destabilisant.
L'article d'ATTAC est révoltant. C'est vraiment de la pure démagogie : des méthodes Frontistes.
Rédigé par : cecil | 26 janvier 2009 à 14:02
Désolé de ne pas avoir répondu plus tôt, je reviens à peine d'un long week-end en Bretagne...
@ samantdi,
Tu as parfaitement bien compris, merci.
(Nouvelle d'autant meilleure pour moi que la famille se féminisera davantage à cette occasion ; un peu de mixité sera la bienvenue chez nous).
@ polluxe,
Très juste distinguo.
@ Cecil,
Lâcheté bien pardonnable selon moi. Il très normal d'avoir peur devant une foule en colère, s'enivrant de slogans simplistes et belliqueux.
Quand à ATTAC, pff... Plus rien ne m'étonne de leur part.
Et sinon, ben merci à toi pour ces compliments.
Rédigé par : aymeric | 27 janvier 2009 à 16:41