« Il [Dante] dit, dans un des tercets de la Divine Comédie, qu’il
n’est permis à personne de connaître les jugements de la Providence. On ne peut
prévoir les jugements de la Providence, personne ne peut pas savoir qui sera
condamné et qui sera sauvé. Mais lui, il a osé, sur le plan poétique, prévoir
ce jugement. Il nous montre des condamnés et il nous montre des élus. Il devait
bien savoir qu’agir ainsi n’allait pas sans danger ; il ne pouvait ignorer
qu’il devançait l’indéchiffrable providence de Dieu. »
Jorge Luis Borges : Conférence sur la Divine Comédie
« L’espèce humaine à laquelle appartiennent tant de mes
lecteurs a joué depuis le commencement des choses à des jeux d’enfants. Et
c’est bien désagréable pour les quelques personnes qui sont devenues des
grandes personnes. L’un des jeux favoris s’appelle "laisser le lendemain
dans l’ombre" ; je crois que les paysans du Shropshire le connaissent
aussi sous le nom de "démentir le prophète". Les joueurs écoutent
avec beaucoup de soin et de respect tout ce que les gens entendus ont à leur
dire sur ce qui se passera dans la génération suivante. Puis, ils attendent que
les gens entendus soient morts, ils les enterrent très gentiment. Et puis, ils
font le contraire de ce que les gens entendus avaient prévu. Voilà tout. Mais
pour un peuple aux goûts simples, c’est très amusant. […] Mais au début du XXe
siècle, le jeu de "démentir le prophète" était devenu beaucoup plus
difficile qu’il n’avait jamais été. La raison en était qu’il y avait tant de
prophètes et de prophéties qu’il était difficile
d’éluder toutes les conséquences qu’ils avaient imaginées dans leur
ingénuité. »
Gilbert Keith Chesterton :
Le Napoléon de Nothing Hill
Voudrais-tu insinuer que Dieu, tel un paysan du Shropshire, s'amusera à démentir les prophéties de Dante?
Rédigé par : VS | 25 juin 2008 à 12:17
Ou plutôt que les bienheureux du Shropshire, dans leur innocence même, en démentant les visions des faux voyants ne font qu'exprimer les desseins du Très Haut (lesquels sont impénétrable comme chacun sait.)
Mais ça revient un peu au même, c'est vrai...
(Tiens je pensais récemment à toi – et à tes dernières amours patristiques – car je viens d’entamer une "Introduction à l'étude de saint Thomas d'Aquin" par Marie-Dominique Chenu.)
Rédigé par : aymeric | 25 juin 2008 à 12:59
Coincidence ! Je termine en ce moment "L'initiation à saint Thomas d'Aquin" de Jean-Pierre Torrell, qui est plus récente que celle de Chenu qu'elle corrige sur certains points.
Thomas d'Aquin est dans l'air du temps ?
Rédigé par : jean-michel | 25 juin 2008 à 18:15
Saint-Thomas d'Aquin sera sur toutes les plages cet été !
(Je ne suis pas rendu bien loin dans le Chenu mais, pour l'instant, c'est le style élégamment suranné et précis de l'auteur qui me plait infiniment ; je note le Torell que je ne connaissais pas.)
Rédigé par : aymeric | 25 juin 2008 à 19:01
Bon, j'ai visé plus ancien : Edith Stein et Denys l'Aréopagite.
Si j'étais Dante, je condamnerais Yann Moix à l'un des cercles de l'enfer.
Rédigé par : VS | 25 juin 2008 à 23:19
Soyons magnanime et ne laissons pas ce pauvre Yann tout seul aux enfers.
Après tout, parmi ses camarades littérateurs, ce ne sont pas les prétendants qui manquent.
Rédigé par : aymeric | 26 juin 2008 à 11:05