On n’est pas des touristes nom de Dieu !
C’est dès la descente du train que la
pulsion de différenciation se fait sentir, dans le mouvement de l’essaim bruyant,
conséquemment francophone, qui se rue vers la sortie de la gare.
L’assimilation à la troupe est une idée insupportable.
C’est déjà bien assez pesant de
trimballer cette mauvaise conscience d’avoir cédé aux clichés pour venir flâner
quelques jours dans la sérénissime quand on ne se voudrait pas si banal.
Mais, si l’on cède au convenu, n’oublions
pas de nous armer de quelques sains principes de base : les promenades en gondoles,
le Rialto, la place saint-marc, à fuir.
Il n’y a pas que le repoussoir de la
visite obligée, c’est tout simplement trop infesté de monde. Foule oppressante
et vulgaire, forcément vulgaire, qui engraisse les pigeons avec ces graines de
maïs vendues à 200€ le kilo.
Absolument vital de se démarquer je vous
dis.
De tel vulgaire en K-way et canotier "I
love Venise", du compatriote cultivé dont la proximité volubile vous
gâcherait votre dégustation du Tintoretto (c’est vrai que visiter l’Academia c’est
si singulier…) ; non, ne me confondez pas, je vous assure, je ne suis pas
eux, je suis tellement mieux…
C’est donc tout en hargne snob et
méfiante que l’on fait ses premiers pas en terre vénitienne.
Puis…
Puis le tangage fait très rapidement son
travail, par cet incessant bercement, ce doux mal de terre qui jamais ne vous
quitte vraiment vous faisant même douter que la terre que vous foulez entre
deux vaporettos est vraiment ferme.
L’indolence gagne donc et, du décrispage
à l’abandon, on goute la volupté vénitienne et ses multiples occasions de
ravissements.
Et l’envie d’y rester monte.
Mais il est loin le temps où le bohème d’occident
pouvait jouir ici d’un pouvoir d’achat conséquent.
Les loyers sont maintenant proches de
ceux, prohibitifs, de notre belle capitale et l’isolement même de l’ile, son
caractère muséal prononcé, condamnent ceux qui l’habitent à vivre du tourisme
(avec le commerce, près de 75% des emplois) où à être de la catégorie des riches
retraités (population vieillissante et une mortalité supérieure d’un millier à
la natalité depuis plusieurs années).
Dommage…
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