Un des avantages de la multiplication des kits mains libre c’est qu’il vous est désormais plus facile de laisser échapper quelques mots en public alors que vous ne vous adressez visiblement à personne de l’assistance.
Parler tout seul n’est pas (encore) la norme, mais ça se banalise.
Evidemment, si ce que vous prononcez ressemble à une éructation, un bout de phrase comme craché de votre corps malgré vous, vous risquez d’attirer davantage l’attention et les gens autour, vous rangeront sans doute - leur érudition télévisuelle aidant - dans le camps des victimes du syndrome Gilles de la Tourette.
Ne vous leurrez pas, tenter de convertir, regard bas pommettes violettes, ce dérapage en chantonnement ne changera rien à l’affaire.
Misère…
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Vous, je ne sais pas mais moi, c’est le plus souvent le lundi (et certains jeudis) que ce genre de honte me guette.
Oui, parce qu’il se trouve que le week-end est souvent l’occasion de quelques abus et, si les conséquences physiques s’estompent assez rapidement (encore qu’avec l’âge…) les jours suivants, vous reviennent en rafales tel ou tel propos embarrassant que vous avez tenu, vous grillant très certainement définitivement auprès de celui ou celle que vous espériez justement impressionner au moment de débiter votre ânerie.
Et ces accidents du verbe, on se les ressasse encore et encore. Jusqu’à s’en rendre malade. Au point de devoir les cracher là, tout de suite, comme pour s’en débarrasser, quel que soit l’endroit, le moment et le public.
Oh mon Dieu le public !
Cette rame de métro dans laquelle vous croisez un ou deux regards goguenards ou inquiets et qui ne feront qu’accentuer cette envie de disparaître qui vous est venue en même temps que la gueule de bois.
La honte appelle la honte, ces écarts n’en finissent pas de vous empoisonner l’existence, procédant comme par double peine.
Mais que voulez-vous, le besoin de les expulser est plus fort que tout, une pulsion vitale irrépressible. On doit se débarrasser de ces phrases comme on le fait de secrets trop lourds.
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Tiens, à ce propos, j’en ai un moi de secret. Bien gros, bien lourd. Tellement que j’hésite à vous en parler.
Le mieux serait sûrement de partir à la recherche de l’arbre aux secrets mais je n’ai pas beaucoup de temps devant moi alors je crois que je vais craquer et vous le révéler là, maintenant, tout de go.
Par contre, je vous préviens, ne faites pas la même bêtise que moi, ne vous avisez pas de le répéter. Les gens ne comprendraient pas, on vous prendrait pour un fou, un dangereux irresponsable.
Ah, j’hésite, j’hésite mais ce secret me brûle les lèvres. Allez, je me lance. Voilà : il paraît que le monde va mieux.
Ouh la oui, j’entends bien, la pollution, le réchauffement, l’Irak, le terrorisme tout ça.
J’admets, j’admets.
Mais, si on accorde un peu d’importance à des critères tels que la proportion de pauvres dans le monde, l’accès à l’eau, l’alphabétisation ou encore la mortalité infantile on ne peut que constater que nous sommes, sur ces points, en nette voie d’amélioration.
Je devine vos yeux écarquillés où l’étonnement se teinte de colère devant mon inconscience.
Pourtant savez-vous par exemple :
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- qu’en Chine le nombre de gens vivant avec moins d’1$ par jour est passé de 600 millions à 180 millions en 25 ans.
- qu’en Asie du sud, la population privée d’eau potable a été presque divisée par deux depuis 1990.
- que, selon l’Unicef, pour la première fois de l’histoire moderne, moins de 10 millions (oui, je sais, ça reste atroce) d’enfants meurent avant l’âge de 5 ans. Le quart des décès de 1990.
- que, depuis le milieu des années 90, les revenus des 20% les plus pauvres ont augmenté partout dans le monde (de 4% par an en Asie, de 2% par an en Afrique).
- que nous sommes passés de 50 conflits armés (civils et internationaux) il y a près de 20 ans à 30 en 2005.
- que le nombre de morts sur le champ de bataille a chuté de 200 000/ans durant les années 80 à 20 000 vers 2005. Une division par dix.
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Vous ne vous sentez pas gagnés par un tout petit peu d’optimisme ? Non ?
Si, un tout petit peu plus optimiste qu'il y a 5 minutes. Merci...
Rédigé par : Odanel | 22 février 2008 à 14:35
Mon plaisir Odanel.
Rédigé par : aymeric | 22 février 2008 à 17:22