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21 février 2008

Commentaires

Jean-Michel

Eh oui ! Mais il y a beaucoup de marxistes qui s'ignorent y compris chez les plus éloignés du marxisme en apparence. Cette histoire d'infrastructure et de superstructure est liée à la modernité occidentale et au primat (supposé) de l'économique (l'infrastructure, chez Marx, est économique). Combien, même à droite, même du côté patronal, pensent que l'important est d'assurer *d'abord* le développement, la croissance économique et que le reste viendra de surcroît ?!! Marx n'a jamais fait que donner une expression systématique à l'économicisme occidental (le primat de l'économique donc) qui est l'une des croyances la plus répandue bien au-delà des rangs marxistes.
Je crois (mais je ne suis pas sûr du tout de ma mémoire là-dessus) que Louis Dumont disait déjà des choses comme ça...
A cette ontologie moniste et annexionniste (la théorie de la superstructure était finalement un moyen d'annexer tout l'humain à l'économique, de même d'ailleurs que la théorie de la sublimation était pour Freud un moyen d'annexer tout l'humain à la sexualité), il est temps d'opposer une ontologie plurielle et non annexionniste.
C'est ce que propose en autre Gagnepain que tu ne t'étonneras pas de me voir citer (mais il n'est pas le seul). L'humain (les choses humaines, ta antropeia, comme disait Aristote) est à la fois langage, technique, politique, droit... Il est tout cela à la fois, sans hiérarchie et donc sans "superstructure" aucune, sans "infrastructure" non plus. Et il n'est même pas sûr que "l'économique" existe autrement que comme construction hybride (toutes les sociétés, en tous cas, non pas connu notre "économique").

le passant

On peut souligner que d'autres sociologues (annexionistes par définition :-) )pourtant influencés par le marxisme n'ont pas cette conception économico-centrée du social. C'est le cas de Bourdieu qui par sa notion de champ et de capital spécifique à ce champ, introduit à une sociologie de la domination non exclusivement économique.

aymeric

Plus généralement, l’idée est de se méfier des théories ramenant tout phénomène à une cause unique quitte à devoir multiplier les acrobaties intellectuelles pour préserver la toute puissance de cette dernière. Un truc assez poppérien en somme
En ce qui concerne l’économique, je suis d’accord mais je pense aussi qu’il y a symétriquement un danger à vouloir le nier.
Comme si, à mettre en cause la pureté (en quoi serait-ce une condamnation quant à son utilité d’ailleurs ?) des sciences économiques on cherchait non seulement à les nier théoriquement mais à prétendre s’affranchir purement et simplement des phénomènes qu’elles décrivent et des analyses qu’elles en proposent.
Pourtant, les uns et les autres ne me semblent pas ne rien peser dans nos vies actuelles.
Quant à Bourdieu, je le connais mal mais il me semble qu’à penser les choses essentiellement sous l’angle de la domination il s’est un peu enfermé, non ?

Jean-Michel

Il ne s'agit pas de nier l'économique, mais de le voir comme une construction humaine (d'où l'intérêt de la notion de "performativité"). Les marchés, comme le dit MacKenzie, ne sont pas des forces de la nature, mais des créations humaines, que l'on va pouvoir étudier exactement comme on étudie, par exemple, la cosmologie des Dogons (Griaule) ou le système d'échange de la Kula (Malinowski) ou encore le totémisme australien... Cela présente plusieurs avantages : les Occidentaux (re)deviennent des humains comme les autres avec leurs cosmologies, leurs croyances, etc. ; il n'y a plus de "grand méchant marché" (the Great Big Wolf !, épouvantail de toute une pensée qui se veut "radicale") ; on comprend que ce qu'on a "performé" d'une manière, peut sans doute être "performé" autrement (la question devient "quel monde voulons nous "performer"" ?).

Sur l'économie pure, c'était la croyance de Walras et Cie dont l'idéal de la science a toujours été celui de la physique. Leur projet était au fond celui d'une physique sociale et les "lois" de l'économie étaient posées comme des lois ou des forces naturelles. Laisser croire que des phénomènes humains sont des phénomènes naturels doit bien présenter quand même quelques inconvénients ! La tentative de Pareto de faire rentrer par la bande, sous le nom d'actions non-logiques, ce que la théorie pure avait commencé par éliminer est de ce point de vue assez pathétique. Il aurait mieux valu tenir compte d'emblée de l'humain.

Sur Bourdieu, je suis assez d'accord : à ne voir partout que domination il finissait par ne plus dire grand chose. Cf. son livre sur la domination masculine : les femme, toujours et partout, sont dominées, dominées et encore dominées. Comment rendre compte alors de la différence de condition (bien réelle quand même ?) entre, par exemple, les femmes afghanes sous le régime des Talibans et les ministres, journalistes ou professeures d'université de nos métropoles occidentales ?

Bon, mais je me laisse aller à ma tendance professorale là ;-) déformation professionnelle !

aymeric

Pas de problème Jean-Michel : je ne déteste pas tes leçons.

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