Jeudi 08 novembre, dans le cadre du Prix du livre d’économie, je suis invité à un déjeuner au sénat en compagnie, d’une partie des organisateurs, des partenaires, les auteurs des ouvrages finalistes et quelques blogueurs.
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12h50 : 15 ter Rue Vaugirard, Paris 6e
Le Déjeuner est prévu pour 13h, intimidé par la solennité des lieux, j’éprouve comme un léger flageolement jambier devant l’imposante entrée.
Conformément aux conseils prodigués, j’ai taché de me présenter dans « une tenue élégante sans être endimanché ».
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12h53 : une fois donné mon nom sans trop bredouiller, déposé des objets métalliques et passé le portique de sécurité je me dirige vers le bâtiment des festivités.
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12h55 : un monsieur à l’imposant collier doré me débarrasse de mes veste et casquette puis m’indique l’escalier à gravir.
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12h56 : ouh la ! Il ya du monde et ils sont plutôt endimanchés en fait. La hauteur des plafonds, la taille du lustre : mon flageolement redouble. Une gorgée de champagne. J’aperçois Cyrille. Un visage connu auquel se raccrocher. Sont également présents Hugues, un des membres de Politique.com, Alexandre Delaigue, Mathieu P. des Notes d’un économiste et quelques autres. Compétences, large audience, j’ai le sentiment d’être une erreur de casting : une autre gorgée de champagne, plus longue.
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12h57 : tiens Hugues a visiblement plus de respect pour le sénat que pour l’assemblée nationale. Si les Stan Smith sont toujours là, le t-shirt a été abandonné au profit d’une chemise.
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12h58 : viennent nous voir les gens de Six and Co grâce auxquels nous profitons de l’excellence des cuisines du sénat. L’échange est bref, il est 12h59.
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13h00 : on nous invite à passer à table. Je me trouve entre Cyrille et Pierre Dockès, un des auteurs finalistes. Plutôt sympa, décontracté et bien décidé à profiter de l’occasion de faire bombance.
Seigneur ! Il ya des micros sur les tables : souvenirs angoissés de mariages avec tours de chants obligatoires.
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13h15 : l’entrée arrive après des discours essentiellement constitués de remerciements. Nous apprenons que les auteurs viendront présenter leurs ouvrages dans un ordre défini par tirage au sort.
On remplit mon verre de vin. Un Château Mazeyres 1990 nom de nom !
Pierre Dockès, affable répond volontiers à mes compagnons de tables. Hugues et Cyrille le questionnent allègrement. Un tropisme de journaliste ?
Il est question du supposé faible niveau des hommes politiques français en matière économique. Alexandre Delaigue évoque la brusque augmentation, il y a une trentaine d’années, des effectifs de professeurs d’université expliquant, selon-lui, l’irrégulière qualité de la formation desdits professeurs.
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13h30 : Laurent Mauduit entame la série des présentations. Il s’explique longuement sur la prise de conscience qui l’a amené à enquêter sur le système Minc, le « capitalisme parisien », les coups tordus et les jeux faussés par les relations et les prises d’intérêt. Ses fréquentes références au second empire me font songer à une tentative de faire l’Argent contemporain. Pas convaincu par le discours du monsieur. Tout cela sent un peu la lorgnette complotiste et, comme le faisait remarquer un camarade de tablée, on sent une grosse charge d’affect dans ce discours. Hugues titille d’ailleurs l’auteur.
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13h50 : le Veau est excellent. Oui, encore un peu de Château Mazeyres s’il vous plait.
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14h15, 30 je ne sais pas, je ne regarde plus trop l’imposante pendule aux multiples dorures : au tour de Michel Aglietta et Laurent Berrebi : finance mondiale, déséquilibres internationaux, passage d’un régime inflationniste à un régime déflationniste, incapacité du capitalisme à s’autoréguler (un point qui fera débat un peu plus tard, j’y reviendrai). Contrairement au Mauduit, on est bien dans l’économie ici. C’est technique, moins digeste que le veau (excellent, décidément excellent) surtout pour qui n’a pas encore lu le livre et a, pour le moins, quelques lacunes en la matière.
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Plus tard donc : Dessert. Au tour de notre voisin de table de défendre son ouvrage : « L’Enfer ce n’est pas les autres ». Point de départ sympathique, du type La Mondialisation n’est pas coupable. Evocation de Ricardo et de ses fameux avantages comparatifs, éloge de la diversité et – c’est sans doute là que c’est plus contestable – défense du modèle français, volontarisme et politique industrielle aux relents colbertistes. Le vin accentue sans doute mon tic sceptique. Mais, là encore, n’ayant pas lu le livre en question, je suspends mon jugement.
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14h45-50 sans doute : café et questions aux auteurs.
Hugues s’empare du micro et revient à la charge sur Laurent Mauduit lui reprochant, à la fois, sa double naïveté (mettre des années avant de découvrir l’existence de petits arrangements et penser que le phénomène est strictement français) et son ton trop allusif ce qui est tout même un peu gênant quand on parle de censure. Là j’avoue que la réponse de l’auteur sentait un peu le noyage de poisson en touche, il fut du reste aidé par l’organisateur des débats qui demande à ce qu’on s’intéresse un peu aux autres livres. A Dockès, Mathieu P. fait remarquer que défendre le système de protection sociale français peut poser quelques problèmes lorsque l’essentiel des partenaires européens juge sous-optimal le modèle en question. Réponse en forme de oui mais non (sur le mode la France ne doit pas aller vers plus d’Etatisme mais n’a pas non plus à aller vers plus de libéralisme). Mots trop généraux et manques de connaissances m’empêchent d’avoir un avis net sur la question.
On finit avec Aglietta et Berrebi. Toujours une question de Mathieu P. :
- « Messieurs, après avoir lu le Grand méchant marché de Thesmar et Landier, dans lequel les auteurs démontrent, chiffres à l’appui, la rationalité des marchés, souvent supérieure à celle des dirigeants ou experts cela m’apparait un peu contradictoire avec votre déclaration péremptoire sur l’impossible autorégulation du capitalisme. »
- « Mon petit garçon, regardez un peu autour de vous, apprenez l’histoire et on en reparlera. »
Je cite à gros traits bien sûr mais c’est vrai que la réponse de Michel Aglietta était sèche et qu’il fut assez démonstratif de son mépris.
Ceci-dit, une réflexion de ce dernier était assez juste lorsqu’il soulignait le rôle ambigu des banques centrales, à la fois au cœur du système capitaliste et au cœur de la machine étatique. Plus largement si je suis d’accord avec Thesmar et Landier pour défendre la sagesse des foules, méfiant quand on ne conçoit la viabilité que chapeauté par l’Etat ou quelqu’autre super régulateur, je me demande si mettre en question la capacité du capitalisme à s’autoréguler est une bonne manière de poser le problème. Car son indépendance même est en question, considérant qu’il ne peut fonctionner que dans le respect de certaines lois (du droit de propriété notamment) et compte tenu de la pluralité des acteurs (étatiques ou approchant pour certains) on a là un niveau d’intrication qui rend, je pense, un peu problématique le présupposé de la totale autonomie du capitalisme.
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J’en étais là de mes songeries quand on vint mettre un terme au déjeuner. Il est 15h. Durant ces deux heures, 150 internautes ont voté nous dit-on. Satisfecit modéré. Le temps de reprendre possession de mes effets et j’entame la courte marche vers la frontière qui me séparait de mon arrondissement.
A partir de quand exactement ai-je cessé de trembloter tiens ?
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