Ce n’est pas particulièrement avec ce blog que je suis fâché. Même s’il m’est arrivé ces derniers temps, dans des accès de mauvaise humeur, d’être tenté de devenir mon propre Frédéric Schlesinger et de décider ma suppression pour insuffisance d’audience et de contenu, je n’ai, à la réflexion, pas de vraies bonnes raisons d’arrêter définitivement.
Non, ce qui m’éloigne d’ici c’est un mécontentement plus général et que j’espère temporaire vis-à-vis de ce que je peux produire. Je ne sais pas si ça vous arrive parfois mais depuis quelques temps rien de ce que je conçois ou énonce ne dépasse vraiment le stade de la triste banalité.
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Ne me sentant pas encore sorti de cet état, il n’est pas de motif à ce que je rompe mon silence bloguesque, à l’exception d’un petit exemple de synchronicité jungienne que je ne résiste pas à vous faire partager.
Hier alors que je passais d’un blog à l’autre, je tombe chez Embruns sur un extrait d’un texte courroucé d’Éric Fottorino du Monde (la Référence française en matière d’information comme chacun sait) qui tempête contre ces « pseudo-journalistes, qui se soustraient aux règles élémentaires du métier : vérifier, recouper, s’extraire des apparences, hiérarchiser les faits sans les déformer ni les monter indûment en épingle. »
Ce genre de coup de sang bien corporatiste est une monnaie suffisamment courante pour être anecdotique mais elle a capté un peu plus mon attention qu’elle ne l’aurait fait d’ordinaire car elle faisait écho.
En ce moment je parcours en effet Le Voleur dans la maison vide, les mémoires de Jean-François Revel, et il se trouve qu’hier précisément je tombai sur ces lignes (que je me permets de tronquer un peu afin que cette note reste d’une longueur acceptable) : « Fin avril 1993, je lus dans Le Monde le titre suivant : « Mort du philosophe marxiste Tran Duc Thao. » […] Cet article était faux sur deux points précis et, plus encore, par sa coloration générale. […] Je décrochai mon téléphone pour exposer mes objections étonnées au directeur de la rédaction du Monde, Bruno Frappat, avec qui j’avais des relations espacées mais cordiales. Il me répondit tout ignorer des sources de ce bref et péremptoire article, et ajouta que son auteur, un certain Kéchichian, allait sur sa recommandation me rappeler dans un instant. Quand je m’enquis auprès dudit Kéchichian de l’origine des ses informations, il me répondit avec une placide ingénuité qu’il s’était contenté de reprendre l’article paru le matin même dans l’Humanité. […] Bruno Frappat venait de signer ou cosigner dans le monde une laborieuse dissertation en forme de sermon et de manifeste sur la déontologie journalistique. »
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Sinon, sur le livre de Revel que je n’ai pas encore fini, je dirais qu’il y a dans ces pages des réflexions et des tournures brillantes, de justes attaques mais aussi des condamnations à l’emporte pièces et quelques vitupérations qui n’auraient pas perdu à se débarrasser de leur trop de suffisance. Mais par moments aussi ce livre vraiment me parle : « Il n’est guère de jour où, à table, dans mon lit, dans la rue, sur la grève, je ne pousse un rauque gémissement de repentir et de honte. C’est que revient me mordre le souvenir d’une bêtise fatale, d’une réaction vulgaire, d’un mensonge dégradant, d’une fanfaronnade ridicule dont je me suis rendu coupable, jadis, naguère ou avant-hier. »
déontologie journalistique : elle existe pourtant, au sens où il me semble que les journalistes pourraient aisément la définir dans un langage commun. Ce qui semble manquer, c'est une instance où est appréciée l'exercice de la déontologie par un journaliste donné à un moment donné ? Ledit Kéchichian ne semble, dans cet extrait, guère inquiet d'être confronté à une telle instance.
déontologique blogique : elle n'existe pas, au sens où les auteurs de blogs auraient du mal à lui donner un contenu commun. Et pourtant elle s'autoproduit constamment, rapidement, efficacement, sur les pages mêmes des blogs, à travers les commentaires.
Rédigé par : FrédéricLN | 20 juillet 2007 à 10:36
Si tu ne connais pas déjà, le site définitif sur Revel est ici:
http://chezrevel.net/
Rédigé par : François Brutsch | 24 juillet 2007 à 19:00
Je connaissais dèjà (cf. le lien sur "Le Voleur...").
Mais il me semble bien que c'est grâce à toi que je l'avais découvert.
Rédigé par : aymeric | 24 juillet 2007 à 20:13