Comme souvent, Telos nous gratifie d’un excellent texte (signalé également sur éconoclaste) : les économistes Alberto Alesina et Guido Tabellini y analysent la différence de PIB par tête entre l’Europe et les Etats-Unis.
Le sujet n’est pas inédit et s’accompagne souvent d’accents catastrophistes (ce qui est également le cas ici) mais là où ce billet possède surement plus de valeurs que le tout-venant décliniste c’est que les deux auteurs s’attachent à fouiller davantage en considérant que « PIB ne présente qu'une image assez pauvre, parce qu'il ne prend pas en compte deux aspects importants : la production familiale, c'est-à-dire les marchandises et les services produits hors du marché, [ex : « si une femme s'occupe des enfants d'une autre femme et ainsi de suite, deux salaires de baby-sitters entrent dans le PIB. Si elles s’occupent de leurs propres enfants, rien n’est enregistré. »] et les investissements immatériels, c'est-à-dire l'accumulation de connaissances qui augmente les profits et la productivité futurs. »
Ce qui aurait pu, éventuellement, fournir de quoi relativiser l’écart nous séparant des USA s’avère finalement un facteur aggravant et la conclusion du texte est sans appel : « En tenant compte des investissements immatériels, on pourrait ainsi dire que non seulement le rattrapage de l'Europe continentale par rapport aux Etats-Unis est moins prononcé, mais que depuis le début des années 1990 l’écart s’accroît d’une façon plus inquiétante que ne le suggèrent les données officielles. »
Lourde sentence.
Cependant, une toute petite chose dans ce texte m’intrigue et tend à me rendre assez sceptique sur la réduction du débat à la simple nécessité d’un rattrapage.
Ainsi, il est écrit qu’aux Etats-Unis, « le surcroît de croissance est aussi uniformément distribué entre le début des années 1970 et aujourd’hui. » cette affirmation s’appuyant sur une étude de C. Corrado, C. Hulten et D. Sichel : "Intangible Capital and Economic Growth". Je ne le conteste pas forcément (ce serait présomptueux) mais je m’interroge car ceci semble rentrer en partielle contradiction avec une autre étude de Emmanuel Saez et Thomas Piketty, citée par Harold Meyerson dans la revue démocrate The American Prospect, selon laquelle, en 2005, si l’ensemble des revenus américains ont progressé de 9% par rapport à 2004, cette augmentation ne s’appuyait que sur les 10% les plus riches pendant que 90% de la population voyait ses revenus baisser de 0,6%.
Avouez que l’uniformité de la distribution parait alors toute relative et que, vue sous cet angle, la réussite américaine ne va pas non plus sans quelques aspects fâcheux.
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