Vendredi soir, alors que le destin de l’Europe se jouait une fois de plus, j’étais à côté de l’assemblée nationale, à assister à un débat à l’initiative de Nouvelle Europe (merci à eux), sur la nouvelle Europe justement, et ses relations avec les Etats-Unis.
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Un petit mot d’abord sur le traité. Petit car le sujet a déjà eu le temps d’être maintes fois abordés par les plus euro-connaisseurs de la blogosphère. Je suis un peu partagé. Soulagé d’abord de constater qu’un accord fut possible, que la crise fut évitée, et que le travail de la convention ne subit finalement pas le saccage attendu. Sceptique ensuite car si saccage il n’y eut pas, il n’est pas illégitime non plus de parler comme le fait Jean Quatremer de "constitution moins", ce qui a été validé ressemblant assez à un recul du communautaire au profit des états - ceux-ci ayant désormais la possibilité de réduire les compétences attribuées à l’Europe.
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Cet obligé évoqué, revenons à notre débat.
La Nouvelle Europe et ses relations avec les Etats-Unis, donc. Chacun se souvient des remous provoqués par la décision de nombre de nouveaux entrants de soutenir l’intervention américaine en Irak. Colère et sentiment d’ingratitude se sont développés chez ceux que Donald Rumsfeld qualifia alors fort peu élégamment de tenants de la vieille Europe ; Chirac empoisonnant et résumant l’affaire d’un assez méprisant « ils auraient mieux fait de se taire ».
L’enjeu de cette rencontre était d’éclairer ces rapports nous apparaissant parfois difficilement compréhensibles, voire carrément suspects. Afin de nous aider dans cette entreprise étaient réunis sous les hauts plafonds intimidants, les larges lustres des ors de l’Europe :
- Margus RAVA, ambassadeur d'Estonie en France
- Denis Badré, Sénateur-maire, vice-président de la délégation pour l'Union Européenne au Sénat
- le Canadien Ronald Hatto et la Roumaine Odette Hatto-Tomescu, spécialistes de la question à Sciences-Po Paris.
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Voici donc, ce qu’en peu (du moins l’essaierai-je) de mots, j’ai retenu de ces débats :
Lorsque les pays d'Europe de l'est vivaient sous le régime communiste, les Etats-Unis représentaient un réel symbole d’Espoir. Il faut par exemple souligner l’importance qu’à pu avoir Radio Free Europe qui fut non seulement la voix de la résistance mais aussi le principal - parfois le seul - canal d’information culturelle pour ces pays isolés du reste du monde.
On peut aisément comprendre que la plupart de ceux qui vécurent sous la domination soviétique soient encore extrêmement méfiants vis-à-vis du géant Russe et ce, même si Poutine se prétend un pur démocrate n’ayant plus de véritable interlocuteur depuis la mort de Gandhi. Suivant un vieux principe de géopolitique rappelé par l’un des intervenants (s’allier avec la grande puissance la plus éloignée contre la grande puissance la plus proche), la plupart d’entre eux ont choisis de se rapprocher des USA.
Mais tout ceci n’implique pas particulièrement de défiance vis-à-vis de l’Europe. Comme le déclarait Odette Hatto-Tomescu, il ne leur vient pas à l’idée d’avoir à choisir. L’évidence de cette compatibilité se résumait dans un slogan slovène datant de l’époque où ce pays se prononçait sur une double adhésion à l’Europe et à l’Otan : « Chez nous en Europe, en sécurité dans l’Otan. »
On peut ajouter que si cette complicité est réelle et, somme toute, plutôt légitime, elle est aussi relative. D’une part parce que cette américanophilie est plus le fait des élites que du reste de la population (avec sans doute de la part de quelques uns un sentiment de fierté à paraître aux cotés des très grands. Le président Roumain a parlé, sans rire, d’un axe Washington-Londres-Bucarest ; il ne semble pas que la formule ait été reprise par ses alliés). D’autre part parce que ette proximité n’est pas globale, la Pologne ou la Roumanie sont certainement beaucoup plus proches des USA que la République Tchèque par exemple. Enfin parce que tout ceci évolue : la Bulgarie et la Roumanie, ne cachent en effet pas leur déception devant l’absence d’investissements américains alors qu’ils possèdent des bases militaires chez eux.
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Une soirée des plus intéressantes conclue par un débat au cours duquel, pour l’anecdote, un membre de l’assistance qui, durant la soirée, a fort bruyamment manifesté sa désapprobation à coups de longs soupirs, s’est lancé dans une diatribe anti-américaine très classique, un manifeste universalo-espérantiste assez risible et a bien entendu parsemé son discours d’allusions au seul marché auquel se résumerait l’Europe actuelle. Cliché à la peau dure mais doublement faux. Que l’adhésion à l’Europe passe obligatoirement par des institutions stables garantissant l'état de droit, la démocratie, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection ou encore que, comme l’écrivait Ellie Cohen il y a quelques deux ans, « l'Europe bute sur des obstacles insurmontables pour réaliser le marché vraiment intégré qu'attendent les consommateurs et les entreprises. » ne semblent pas peser bien lourd face à ces certitudes.
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Rien à voir : un nouveau blog à suivre : "hémicycle"
pour abonder : une année passée à Budapest m'a fait découvrir les initiatives de Soros dans la formation des futurs responsables politiques des nouveaux membres, et des pays encore en transition dans la région, via sa "central european university" (www.ceu.hu).
en pleine révolution orange, je me souviens de discussions avec de jeunes ukrainiens et géorgiens, qui passaient là quelques mois tous frais payés, formés par des universitaires de haut vol américains ; l'union européenne, à côté, leur semblait fort peu absente.
alors bien sûr, on pourra répondre "erasmus", qui est sans doute un programme un peu moins élitiste, et qui a l'immense avantage de ne pas reposer sur des fonds privés. mais la "balance des transactions universitaires" entre nouveaux & anciens pays européens sont plus que déficitaires.
(et merci pour le lien)
Rédigé par : article 33 | 25 juin 2007 à 20:12
Mais c'est honteux ! Hooooooooonte à toi qui n'est pas venu discuter avec moi à la fin du débat ... Hoooooooonte à toi de ne pas m'avoir prévenu que tu avais écrit cet article !
Enfin bref, je suis content que tu aies apprécié le débat !
Les intervenants étaient de qualité, j'ai trouvé les débats intéressant et les espérantistes toujours aussi agaçantistes !
Je ne sais pas si tu avais lu le dossier avant de venir mais il faisait une intéressante introduction. Et nous aurons le pendant de ce débat à la rentrée en faisant quelquechose sur la Russie et la Nouvelle Europe !
A bientôt
Philippe
Rédigé par : philippe | 25 juin 2007 à 21:42
@ article 33,
Oui, c'était un des points abordés lors de la conférence : l'investissement américain dans la formation des élites via des organismes privés.
(L’occasion pour notre ami espérantiste de pousser un long soupir de plus)
@ philippe,
Bon ben c'est gagné, j'ai honte...
Pas eu le temps de lire le dossier auparavant mais à défaut d'une intéressante introduction ça fera un utile complément.
Rédigé par : aymeric | 26 juin 2007 à 09:37
Cher Cabri, je suis bien contente que ton humeur aie changé. Les soubresauts me font penser à cette phrase, genre un dicton chinois, "Ecoute ta peur, elle te parle de ton désir".
Rédigé par : Christie | 26 juin 2007 à 10:35
Chère Christie : merci.
Rédigé par : aymeric | 26 juin 2007 à 12:16