Dans un rapport présenté il y a une quinzaine de jours, la CNIL s’est déclarée, sans grande surprise, opposée aux statistiques ethniques ou, plus précisément, à l’utilisation de catégories « ethno-raciales ».
Rien de bien surprenant dans cette déclaration en effet car l’idée de statistiques ethniques doit faire face a deux gros tabous français.
D’une part, une telle permission parait incompatible avec l’idée universaliste que la République se fait d’elle-même, d’autre part, ce genre de pratiques vient réveiller les tristes souvenirs vichyssois ou coloniaux.
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Pour autant, ces pudeurs, toutes légitimes qu’elles soient, doivent elles emporter la décision ?
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Par exemple, aux apologistes de l’Egalité à la française on pourrait objecter que derrière le principe affiché il y a des discriminations réelles, que celles-ci prennent bien pour bases des caractéristiques ethniques (qu’elles s’expriment dans l’aspect physique ou dans le patronyme) et qu’à vouloir sauver la façade on se ferme les yeux bien plus qu’on agit pour diminuer, réellement, les inégalités. Car, après tout, pour agir contre les discriminations il importe de pouvoir les mesurer.
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Alors, évidemment la CNIL peut faire valoir que catégoriser sur des critères ethniques comporte « des risques de renforcement des stéréotypes, de stigmatisation, de communautarisme, de classification incertaine, non scientifique, réductrice, approximative ». Sur ce dernier point, aucune catégorie ne sera suffisamment fine pour faire rentrer la complexité du réel à moins de recourir à des solutions du type « carte de Borges ». Pour le reste, je ne nie pas les risques mais les pis-aller proposés (développement d’enquêtes par questionnaires, dans lesquelles les salariés sont interrogés sur leur nationalité et leur lieu de naissance ainsi que sur la nationalité et le lieu de naissance de leurs parents ou classements des salariés en fonction de la consonance de leurs noms et prénoms en deux catégories : « potentiellement discriminant » et « non discriminant ».) ne me paraissent pas exempts des mêmes risques.
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Je ne nie pas que l’utilisation de catégories « ethno-raciales » ne soit pas problématique (symboliquement autant que par certains risques qui supposeraient à la fois une grande surveillance et maintes précautions législatives) mais je suis, dans le même temps, très loin d’être convaincu par les arguments de ceux qui s’y opposent. D’autant que ce blocage empêche nos chercheurs de produire des travaux du type de ceux Roland G. Fryer Jr, études assez fines de certains des mécanismes de discrimination (Allez-voir le lien ! Si si, c’est extrêmement intéressant) et, à coup suûr, outil majeur pour espérer lutter efficacement contre celles-ci.
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