Vinvin m’apparaît souvent tout aussi juste lorsqu’il s’éloigne de son registre habituel pour aborder des thèmes plus graves ou émouvants. [Quelque chose comme un syndrome Tchao Pantin appliqué aux blogs ?]
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Je suis donc pleinement d’accord lorsqu’il écrit : « je sais que d'autres drames se jouent ailleurs, au même moment, qui le sont tout autant. Mais j'ai toujours été bouleversé par ces drames imprévisibles, commis en plein soleil, là où d'habitude se consomme la simple douceur de vivre. Pam ! Pam ! Et voilà 33 familles décimées de l'intérieur. Des milliers de jeunes détruits. Et la vie continue, comme toujours, avec le souvenir d'une inexplicable barbarie. »
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Pour ne pas rester dans l’incompréhension, on a tendance à chercher, vite et tout prix, des explications rationnelles, des facteurs déclencheurs sur lesquels, avec suffisamment de volonté, nous pourrions agir et faire en sorte que de telles horreurs ne se reproduisent plus.
Sous nos latitudes, l’explication qui fut quasi instantanément avancée est celle de la trop permissive législation sur les armes à feu en Amérique.
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Il est vrai qu’intuitivement, il paraît évident qu’en supprimant ou restreignant drastiquement l’accès à celles-ci on peut espérer réduire conséquemment les homicides par balle.
Mais la réalité semble résistante à ce genre d’évidences comme le révèle un passage de Freakeconomics dans lequel Steven Levitt et Stephen Dubner abordent cette question.
Le problème principal est pratique. Intervenir maintenant sur l’accès aux armes reviendrait de facto à ne laisser armés que les criminels. [toutes les citations suivantes sont extraites de Freakeconomics] « Le marché noir des armes aux Etats-Unis est tel que le plus minable des agresseurs est très probablement armé. Notre pays compte tant d’armes que si on en remettait une à chaque adulte, on serait à court d’adultes avant de manquer d’armes. […] Et si on songe que la durée de vie d’une arme à feu est quasiment infinie, fermer le robinet d’arrivée des nouvelles armes en laisserait quand même beaucoup en circulation.»
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Moralement, il parait néanmoins justifiable de mettre des barrières mais de telles mesures, comme le Brady Act de 1993, n’ont aucun effet significatif sur la baisse de la criminalité (encore une fois, du fait de l’existence du marché noir, « à peine un cinquième des criminels a acquis son arme auprès d’un revendeur agréé»).
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S’il s’agit de faire diminuer de manière conséquente la quantité d’armes à feu en circulation, certains ont pensé qu’on pouvait racheter les armes. Il y a eu des initiatives en ce sens mais le prix payé (50 ou 100 dollars) est très inférieur au gain que l’on peut espérer en tirer et donc faiblement incitatif. Surtout, « le nombre d’armes récupérées est très inférieur à celui des armes neuves simultanément mises sur le marché. […] Chaque année, la probabilité qu’une arme donnée serve à tuer dans l’année est de une pour dix mille. Or, chacune des opérations de rachat retire de la circulation moins de mille armes – c'est-à-dire qu’il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle permette d’éviter moins du dixième d’un seul homicide.»
Il n’est pas non plus écrit que toute tentative visant à réguler le commerce des armes aux Etats-Unis est vouée à l’échec. Simplement la plupart de ces bonnes intentions n’ont pas l’efficacité que spontanément on pensait, que, surtout, on souhaitait.
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En fait, selon les auteurs, il existe un élément véritablement dissuasif « et qui montre une relative efficacité, c’est le net durcissement des peines de prison encourues par quiconque se ferait prendre en possession d’arme obtenue ou détenue de manière illégale. Mais il est encore possible de faire bien mieux. Si, par exemple la peine de mort était systématiquement prononcée, et exécutée, contre tout propriétaire d’une arme obtenue ou détenue de manière illégale –nous ne prétendons pas forcément que cela soit souhaitable – les crimes par armes à feu se feraient sans doute aussitôt plus rares. »
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Ce qui revient à dire que l’efficacité en la matière se ferait aux dépends des principes à mon avis chers à la plupart des contempteurs (ce qui est mon cas) du deuxième amendement et que dans notre désir un peu vain de rendre réel le "plus jamais ça" qui nous vient spontanément, on ne mesure pas toujours les implications de notre volontarisme, la réalité de ce qui est faisable ou souhaitable.
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Add de 14h40 Evidemment Les Econoclastes se sont intéressés au sujet en s’appuyant, là aussi, sur "l'inévitable Levitt".
Bref, si vous voulez lire mieux, il ya ça.
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