Ma dernière note sur le travail m’avait laissé un peu insatisfait. En particulier sa conclusion sur l’état de déprime du pays qui sentait sans doute un peu trop le déclinisme qui, bien que touchant parfois juste, systématise tout de même notre supposée décadence et, porté par son bais, passe parfois à côté de son sujet.
Ce que je veux dire, c’est qu’il me semble que ce rapport un peu difficile au travail est peut-être moins le signe de l’inadaptation du cancre que des difficultés inhérentes aux mutations. Davantage du côté du transitoire donc, que de l’atavisme.
Reprenons les choses où je les avais à peu près laissées. 70% de français déclarent que le travail est "très important" (au dessus de la moyenne européenne de 55%). Peut-être que l’écart avec nos voisins européens vient de ce que chez nous le travail est une denrée plus rare et qu’il devient d’autant plus important qu’il est difficile à trouver. Cette valeur gonflée, négativement, par la crainte de la perte n’est sans doute pas pour rien dans notre rapport un peu difficile avec le travail.
Ajoutez à cela un contexte (la mondialisation, pour faire court) en même temps qu’une nécessité, (tendre vers un optimum du marché du travail pour le retour de la prospérité comme préalable indispensable au mieux-être social) qui met en avant l’inévitable devenir impermanent du travail.
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On comprend aisément qu’entre la peur du chômage et la résignation au temporaire il soit difficile de concevoir le rapport au travail de manière non anxiogène et que l’investissement dans le métier soit un moindre, ne serait-ce que pour se protéger des désillusions.
Pourtant, d'autres que nous en Europe, face aux mêmes contraintes, semblent moins souffrir de ce mal au travail.
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Je sais bien que, pour prendre l’exemple qui vient le plus immédiatement à l’esprit, la « flexisécurité » nordique n’est pas exportable telle quelle dans nos frontières, mais il existe tout de même quelques pistes.
Courant 2004, un rapport de l’UNESCO sur l’avenir du travail en Europe, parvenait aux conclusions suivantes :
- La formation est la clé essentielle pour la réussite de la vie professionnelle et de la vie tout court.
- L'acquisition des connaissances au cours des études ne suffit pas. L'évolution rapide des techniques, l'obsolescence des savoirs obligent à mettre en place des formations tout au long de l'existence.
- La culture générale est indispensable, c'est la base qui permet les spécialisations et l'adaptation à un futur incertain.
- L'éducation n'est pas le domaine réservé des enseignants, elle est l'affaire de tous, et devrait faire l'objet d'une concertation plus ouverte.
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On peut faire preuve d’un peu de scepticisme (la formation comme nerf de la guerre me semble parfois tenir du vœu pieux) mais il n’en reste pas moins que nous avons là quelques bases pour tenter d’aborder les mutations du travail de manières plus positives que défensives.
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Sécuriser les gens, c’est, bien sur, faire en sorte que les transitions d’un travail à l’autre se fassent avec un filet de sécurité, mais c’est donc aussi tenter de leur donner les armes à même d’affronter les multiples bouleversements et nouveaux départs que supposent désormais le plus souvent une vie professionnelle.
Mais je pense qu’il serait dommage de se limiter à cela et qu’il faudrait redonner un peu de crédit à une idée actuellement en difficulté : la réduction du temps de travail.
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Entendons nous bien, je ne crois pas une seule seconde que le partage du travail soit une solution au chômage (la quantité de travail n’étant pas une donnée fixe) et la façon dont de ce concept a été vendu tiens de l’imposture (ce qui, ajoutée à sa désastreuse mise en œuvre à la hussarde, n’est d’ailleurs sans doute pas pour rien dans son impopularité actuelle). Par contre, l’idée d’introduire de la discontinuité dans le temps travaillé (travailler moins mais plus longtemps, gérer soi même son temps professionnel sur la longue durée, permettre le développement d’activités annexes…) a encore de l’avenir.
Il me semble en effet qu’encadrer l’incitation à jongler avec les activités comme avec les identités, et encourager la multiplicité des rapports, seraient d’assez bonne politique car allant dans le sens de l’évolution des mœurs et nécessités professionnelles.
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