Il parait qu’en Russie il arrive qu’on trinque au « succès de nos causes désespérées ».
Cette tradition me parle, moi qui, dans les jours d’humeur maussade (comme en ce moment par exemple) me dis qu’une bonne part des causes que j’aurais envie de défendre (l’Europe, Doha ou le FC Nantes) ont des allures de condamnées.
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Alors, quand je lis que l’une d’entre elles possède encore quelques chances de succès, cette lecture à des vertus quasi euphorisantes.
Ce fut le cas avec ce texte qui fait le point sur les négociations de Doha et est signé de son maître de cérémonie même : Pascal Lamy.
Ce dernier, visiblement incapable de découragement, portant ce projet « imposée par les pays en développement, l'objectif [étant] de rééquilibrer les règles du commerce international, qu'ils estiment leur être défavorables, notamment en matière agricole » nous rappelle que, pour n’être pas (encore ?) conclu, le processus, n’en pas moins déjà porteur de résultats : «en termes d'impact potentiel sur les échanges commerciaux internationaux, les résultats déjà obtenus valent deux à trois fois le quantum du cycle précédent, qui s'était terminé en 1994.»
Mais l’enthousiasme n’empêche pas la lucidité et Pascal Lamy n’élude ni les difficultés ni les risques «un échec éventuel aurait des conséquences économiques et politiques considérables, avec une menace d'érosion du système de discipline multilatérale, police d'assurance collective contre les excès du protectionnisme, qui vise à stabiliser l'organisation commerciale internationale et à rendre ses règles plus transparentes. […] Les accords bilatéraux ne peuvent pas remplacer les accords multilatéraux mais seulement les compléter. […] pour signer un accord bilatéral avec les États-Unis, l'Europe ou la Chine, un pays de taille modeste doit faire des concessions supérieures à celles qui seraient nécessaires dans un cadre multilatéral, sans aucune garantie que les mêmes conditions ne seront pas accordées à ses voisins.»
Détermination sans illusion, une tranquille pugnacité que j’ai, chez lui, toujours trouvée communicative tant les textes de Pascal Lamy arrivent à me faire penser que les choses peuvent globalement aller dans le bon sens.
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Mais, patatras, l’économiste Antoine Bouët prend la suite et se charge de flinguer mon optimisme naissant. [En notant au passage que les pays en développement, demandeurs de libéralisation, ne sont pas non plus les derniers en matière de protectionnisme («La protection est en Inde et au Maroc de 19,5%, de 27,1% au Nigeria, ou de 30,5% à Djibouti ! L’Afrique se caractérise par une protection particulièrement forte : 13,7% contre 2,5% en Europe, 4,0% en Amérique, 6,7% en Asie et 10,1% pour les pays du Pacifique. L’abandon du cycle de Doha est regrettable car ces économies ne vont pas se libéraliser»)]
Viennent ensuite d’accablantes prédictions : « Il n’y aura certainement donc pas de libéralisation multilatérale prochainement. On peut même craindre un retour du protectionnisme tant les hommes politiques abondent en condamnations de la globalisation et du libre-échange. […]Au total l’abandon du cycle de Doha est-il une plus mauvaise nouvelle pour les pays pauvres ou les pays riches ? Si l’on regarde les conclusions des études récentes, c’est plutôt une mauvaise nouvelle pour les pays pauvres, notamment en termes de croissance relative du revenu réel national. [] Il y a donc aujourd’hui un risque de protectionnisme par défaut : non-libéralisation multilatérale, non-signature d’accords bilatéraux, et non-participation à des accords régionaux. Cette perspective pourrait être très pénalisante pour les pays pauvres, à la fois par la perte potentielle de marchés à l’exportation, mais aussi par l’absence de libéralisation de ces économies souvent très protectionnistes.»
Le monde converti au Toddisme, dur…
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Il va de soi que je vous conseille également la lecture de ces deux textes, mais, personnellement, je crois que je vais me reprendre un petit coup de Lamy. Là. J’en ai besoin…
Meu non le FC Nantes n'est pas mort !!!
Ou alors comme le comte de Paris avant lui, il a décidé de ne rien laisser à ses "héritiers" et de dilapider toute sa "fortune" avant de partir...
Je ne sais pas combien vont nous coûter les deux derniers recrutements... mais j'imagine !!!!
Rédigé par : boudi | 19 décembre 2006 à 15:55
Je comprend mal en quoi le protectionnisme des pays du Sud est un mal pour ceux du Nord et donc en quoi il devrait nous empêcher de faire des concessions.
Je comprends mal ce que serait le protectionnisme de Todd. Des détails; il ne semble pas comprendre la complexité et l'interdépendance croissante du Monde. Je comprend mal également comment on lutte contre la pauvreté du second et du tiers Monde si on ne permet pas aux gens d'avoir un avenir chez eux par le travail et le commerce.
Je comprend mal si le protectionnisme s'étendra aussi a ceux qui crevant de faim chez eux essaieront de traverser des mers ou se mettront entre les mains des mafias car être pauvre en Europe sera le plus bel avenir qu'ils pourront jamais avoir.
Tout ca me parait dangereusement démagogue.
Vous avez raison, je préfère Lamy.
Rédigé par : Adam S. | 19 décembre 2006 à 23:57
L'échec de la dernière conférence de l'Organisation Mondiale du Commerce est due à une erreur intellectuelle cruciale et ce problème est né lors d'une réunion entre Richard Cobden et Henri Charpentiere, il y a 156 ans. Tous deux étaient des hommes bons et sages, mais il créèrent le problème. Cobden était au service du gouvernement du premier ministre libéral Gladstone et Charpentier était le représentant de Napoléon III. Leur mission était de créer un espace de libre commerce entre la France et la Grande-Bretagne. Depuis lors, on pense toujours que la libéralisation commerciale doit être réciproque. Mais ceux qui croient cela ne sont pas libéraux. Les raisons économiques sont évidentes. Les avantages comparatifs, principe sur lequel se base le commerce international, fonctionnent malgré les barrières douanières. Le commerce n'a pas besoin d'être réciproque et les tentatives pour imposer cette réciprocité sont un frein à l'ouverture des marchés. Toutes ces négociations au sein de l'OMC sont une perte de temps : le meilleur à faire est de diminuer les barrières douanières propres sans attendre ce que font les autres.
Un très intéressant article de John Blundell, président du Institute of Economic Affairs :
http://www.business.scotsman.com/economy.cfm?id=1077182003
Rédigé par : Lucilio | 20 décembre 2006 à 09:22
La principale forme de protectionnisme est la propriété intellectuelle, mais cela notre cher Pascal Lamy ne risque pas de nous le rappeller (elle fait pourtant partie de tous ces accords bi ou multi latéraux).
Et cette forme de protectionnisme tue directement beaucoup de personnes (brevets et cout des médicaments).
Et il y a bien plus a gagner économiquement a laisser les travailleurs libres de leurs déplacements que les marchandises.
Une autre vérité économique qui ne sortira pas de la bouche de Pascal Lamy.
Rédigé par : Laurent GUERBY | 21 décembre 2006 à 15:46