Il semble parfois difficile de sortir du catalogue des bonnes intentions en matière de dialogue social.
Souvent évoqué par des gouvernements qui n’en tiennent, pour ainsi-dire, aucun compte (de la réforme des régimes spéciaux de retraites par Juppé, en 95, qui n’avait pas jugé utile de consulter les partenaires sociaux, à Dominique de Villepin s'affranchissant de l'"engagement solennel" inscrit dans le préambule de la loi Fillon du 4 mai 2004 pour faire passer le CPE) ce beau principe est récemment revenu dans l’actualité avec un projet de loi sur "la modernisation du dialogue social" imposant désormais à toute modification du code du travail une consultation préalable afin que "les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée". Certains ont déjà rangé cette dernière sortie au rang des gadgets inoffensifs en montrant que la puissance de la loi dont elle se revêtait n’avait au final pas grand-chose de contraignant.
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La substitution de la loi par le contrat ne semble donc pas vraiment d’actualité.
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Dans les dernières pages de son livre Syndicats : lendemains de crise ?, Jean-Marie Pernot écrivait :
"L'agenda de la négociation tout comme son contenu ont été pour ainsi dire absorbés dans la régulation étatique aux dépens de la phase d'autonomie de la représentation. […] Parler de mainmise de l'état sur les relations professionnelles et par là même sur la représentation syndicale est certes une interprétation radicale, mais si on ajoute la dépendance financière des syndicats à l'égard de la puissance publique, l'image peut paraitre non dénuée de fondement."
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Il est vrai que c’est l’état qui indique qui est légitime pour se présenter aux élections et négocier dans l'entreprise (le caractère obsolète des critères de représentativité, introduits par la loi du 11 février 1950, comme de la liste des organisations confédérées les plus représentatives, qui résulte d’un arrêté du 31 mars 1966 se fait d’autant plus sentir que pendant cette période le taux de syndicalisation est passé de 30% en 1950, à approximativement 8% aujourd’hui ) et qu’il a aussi imposé les moments et les thèmes de la négociation.
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Les lois Auroux, pourtant pleines de bonnes intentions et soucieuses de promouvoir l’autonomie des partenaires sociaux, ont cet effet pervers (si je sais que les effets pervers ne condamnent pas automatiquement la réforme entreprise, il ne me parait pas non plus de bonne stratégie de fermer les yeux sur ceux-ci) de dicter, via l'obligation annuelle de négocier, le rythme et l'agenda. De même depuis, avec l'aménagement de la durée du temps de travail en 1989, le temps et la réorganisation du temps de travail en 1998, l'épargne salariale en 2001, c’est l’état qui impose ses vues et son calendrier aux négociateurs.
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Dans ces circonstances, j’ai plutôt envie (mais peut-être il-y-a-t-il là quelque chose comme de la méthode Coué) d’accueillir la récente réunion consacrée à la réforme du marché du travail, comme une bonne nouvelle, le signe que les choses vont finalement dans le bon sens. Et, même si on peut légitimement douter que de ces confrontations ressortent beaucoup d’avancées pratiques tant sont grandes les divergences entre les intéressés, il ya quand même quelque chose de réjouissant à voir Laurence Parisot du Medef, Bernard Thibault (CGT), François Chérèque (CFDT), Jean-Claude Mailly (FO), Jacques Voisin (CFTC), Bernard Van Craeynest (CFE-CGC), et les dirigeants de la CGPME se réunir pour débattre de la remise à plat du régime d'assurance-chômage, du contrat de travail et de la "sécurisation des parcours professionnels" sans y être conduits par d’autres qu’eux-mêmes.
"La substitution de la loi par le contrat ne semble donc pas vraiment d’actualité."
Quand on a vu ce que certains syndicats ont pu signer lors des négociations sur les trente cinq heures, on peut se dire que "heureusement". Tant qu'on n'aura pas résolu le problème de la représentativité des syndicats (voir l'accord signé par la cfdt au sujet des intermittents du spectacle), donner le pas au contrat sur la loi sera mettre la charrue avant les boeufs et livrer pieds et poings liés les salariés à un rapport de force pour le moins inégalitaire.
Rédigé par : Le passant | 24 octobre 2006 à 18:22
Il y a un lien direct entre l'interventionnisme permanent de l'Etat et du législateur dans le rôel social et la baisse continue du taux de syndicalisation
Par contre, les lois sur l'obligation de négocier (et non de conclure un accord) qui n'imposent pas aux partenaires sociaux le contenu des accords, vont plutôt dans le sens du dialogue social, en renforçant il est vrai la place de l'entreprise par rapport aux branches dans ce dialogue;
Le commentaire précédent est typique de la méfiance des gens de gauche français et de leurs représentants politiques vis à vis de la négociation sociale et des compromis auxquels elle peut aboutir
Rédigé par : Verel | 25 octobre 2006 à 08:41
La question de la représentativité est une vraie question. Le principe de l'accord majoritaire devrait à long terme pousser à plus de vérité dans les rapports sociaux. La CGT devra notamment prendre plus souvent position qu'elle ne le fait. Actuellement, il est courant qu'elle ne signe pas mais qu'elle laisse faire: cela lui permlet d'éviter de se mouiller dans un compromis et de le critiquer ensuite
Avec le principe de l'accord majoritaire, elle peut si elle est majoritaire refuser un accord et celui ci ne s'applique pas . Elle prend alors le risque de perdre des voix, comme on l'a vu à la SNCF après son rejet de l'accord d'interessement
On verra si et comment cela favorise les réformistes au sein de la CGT
Rédigé par : Verel | 25 octobre 2006 à 08:55
La question des intermittents du spectacle posée par le passant pose à la fois la question de la représentativité et celle des logiques corporatistes: la légitimité de la CFDT n'est pas discutable sur l'UNEDIC, elle l'est plus sur la population des seuls intermittents
Or ceux ci veulent absolument rester au sein de l'UNEDIC pour une raison bien simple: ils recoivent infiniment plus de celle ci que ce qu'ils versent en prestation. Soit on dit que c'est un problème de gestion de l'UNEDIC et on accepte la représentativité de la CFDT. Soit on considère que c'est une question qui ne regarde que les intermittents, et ceux ci montent leur propre caisse...
Le beurre, l'argent du beurre et la petite crémière?
Rédigé par : Verel | 25 octobre 2006 à 09:03
Entendu ce lundi 30 octobre, tel quel, à l'agence ANPE de Nogent-sur-Marne.
"Monsieur, bien qu'obligatoire, cet entretien est une perte de temps pour vous comme pour moi, car l'ANPE n'est pas compétente dans votre domaine professionnel.
Je vous propose deux options :
- je vous passe en suivi mensuel, et vous ne serez plus convoqué deux fois par an, mais chaque mois, pour un entretien tout aussi inutile. Si vous ne vous y présentez pas, vous serez radié de nos listes.
- vous nous déclarez que vous n'etes plus à la recherche d'un emploi et nous vous désinscrivons. Comme de toute façon on ne vous donne pas d'argent, ça ne changera rien pour vous.
Je ne vous force pas la main, c'est vous qui décidez."
La question, évidemment, ce n'est pas mon cas personnel. Mais sur la méthode, on avouera que c'est du franco.
Bilan de l'opération : chiffres officiels du chomage = - 1.
Combien de fois par jour, par semaine et par mois ?
D'autre part, si on a l'esprit un peu mal tourné - ce qui n'est pas mon cas, rassurez-vous - on remarquera que l'ANPE a tout intéret à se déclarer incompétente dans le plus grand nombre de domaines professionnels possible, puisque cela sert mieux que toute autre méthode son bilan statistique.
Autrement dit, l'ANPE a réussi à son tour à transformer l'incompétence en moteur de performance.
Aurait-elle décidé de se lancer prochainement sur le marché des télécoms ? A quand les 30 centimes d'euro la minute d'attente dans la file de l'accueil ?
Méditons, méditons. Et applaudissons très fort le prochain cravaté content de lui qui nous demandera de voter pour sa pomme, chiffres à l'appui.
Bien à lui.
Un chomeur de moins (qui ne comprend pas pourquoi l'accent circonflexe ne marche plus sur son clavier... on l'a laissé choisir, lui aussi ?)
Rédigé par : Gaël | 30 octobre 2006 à 14:35
@ gaël
"Au cours de l'entretien, M. Chirac rend un hommage appuyé à Dominique de Villepin: "baisse du chômage, réduction de la dette, réformes, croissance, tout cela ne s'est pas fait par l'opération du Saint-Esprit", souligne-t-il."
Sans commentaire.
Rédigé par : boudi | 31 octobre 2006 à 15:03
Si, juste un commentaire... la source !
PARIS (AP) - lundi 30 octobre 2006, 19h47
Rédigé par : boudi | 31 octobre 2006 à 15:05
@ Le passant,
En fait, Verel a répondu beaucoup mieux (et plus complètement) que je ne l'aurai fait.
@ Gaël,
Il parait évident qu'un vrai traitement des problèmes d'emploi et de chômage passe par une réforme de l'ANPE (ainsi que des Assedic).
D'après ce que je sais, des choses se font qui vont plutôt dans le bon sens mais la norme semble hélas être encore le recours à ce genre de bricolage ("l'incompétence en moteur de performance", c'est tellement vrai).
Je vais peut-être tenter un billet là dessus, tiens.
Rédigé par : aymeric | 02 novembre 2006 à 12:40