Voilà que ma (charmante) moitié (ou notre moitié ? mes fils et moi formerions l'autre, tiens...) vient jusque chez moi quasi me tancer sur mon apparent abandon d'une catégorie que j'avais, il est vrai, honteusement laissée en jachère. Ennuyeux quand votre nom même y fait référence. Dommage également car ce quartier – jamais quitté depuis mon arrivée à Paris et ce, malgré les multiples déménagements : quatre appartements différents, pas moins – m'est suffisament cher pour que je trouve le temps d'en parler entre deux de mes considérations sur le monde comme il va ou de mes apologies culturelles.
Il y a tant de choses (les jardins qu'ils soient des Plantes ou du Luxembourg, l'église Saint-Etienne du Mont, la rue de Bièvre et ses voisines...) qui devraient m'inspirer à chacune de mes pérégrinations arrondissementesques que je devrais sans doute reprendre cette rubrique en narrant précisément l'une d'elles. Prenons l'une des plus régulières : sans doute pas la plus intéressante touristiquement, laissant peu de place aux dérives car extrêmement balisée mais, a contrario, tellement ritualisée qu'elle en est fondamantale dans mon arpentage du cinquième, je veux vous parler de ma tournée des médiathèques.
Enfin, quand je dis ma tournée, je devrais dire notre tournée car, de même que je trépignais d'impatience en attendant de pouvoir lire à mon aîné les aventures du Petit Nicolas, de même, il n'a pas dû s'écouler une importante quantité de temps entre sa sortie de la maternité et la venue de mon désir de l'associer à ces virées sabbatiques.
Régulièrement donc (disons, près d'un samedi sur deux), je prends mon grand fiston par la main, enfin pas très longtemps car ce bonhomme, sans doute soucieux de l'allure athlétique de son géniteur, me fait durement travailler les trapèzes en réclamant rapidement «les épaules papa ! les épaules !!!».
Notre actuel Home sweet Home possède l'énorme avantage d'être à quasi équidistance des trois principales médiathèques de l'arrondissement, ne rendant ainsi aucun des trajets de liaison de l'une à l'autre rebutant de quelque manière. Néanmoins, comme je l'ai précisé plus haut, ce parcours n'admet qu'un minimum d'improvisation et l'enchainement des établissements se fait toujours dans un ordre strict.
Nous entamons notre périple en remontant la rue Mouffetard afin de nous rendre dans la médiathèque du même nom. Cette dernière n'ayant pas de rayon enfant et la patience du mien étant (très) limitée, je me dois de faire vite. Dans cette optique je limite mes emprunts aux CDs, (mode de compensation : c'est Gibert Joseph qui remplit le rôle de bibliothèque stricto sensu, les tarifs occasion me donnant le sentiment de ne pas vraiment payer les livres ; ma Camille est en total désaccord avec ce principe) et je me dote au préalable d'une liste de priorité. Malgré celle-ci (et ma tendance à la psycho-rigidité, mais, en l'occurence elle reviendrait plutôt par la fenêtre) je m'applique à honorer le principe (détourné du papier au polycarbonate) de Warburg (chipé à Jacques Roubaud), dit principe du bon voisin, qui stipule que lorsque vous avez fait votre choix dans les rayonnages, le livre (et donc ici le disque) dont vous avez réellement besoin n'est pas celui-ci mais son voisin.
Ce premier passage achevé, nous remontons, moi, mon fils juché et mon sac lourd de mes emprunts (et/ou retours en devenir), la rue Jean Calvin qui devient la rue Pierre Brossolette puis Erasme, encadrée d'une part (à tribord) par l'école des Arts Décos et d'autre part (babord si vous suivez) par la succession de l'école supérieure de Physique et Chimie puis de l'école Normale lorsque nous arrivons au niveau de la rue d'Ulm. De là nous prenons la rue des Ursulines (avec son cinéma : le Studio des Ursulines qui fait une apparition dans le deuxième tome des aventures d'Antoine Doinel) puis, quart de tour à gauche pour la rue Saint Jacques en passant nottamment devant l'imposant Val de Grâce et le moins imposant QG de ma section. Boulevard du Port Royal, à droite et voilà la deuxième médiathèque, celle justement de Port Royal. Nous pouvons ici nous permettre de trainer davantage, une partie du bâtiment étant conçue pour l'accueil des enfants. C'est ici qu'Anatole (ah oui, il s'appelle Anatole) dévaste les rangées de fait son choix de livres. Pour être tout à fait honnête, j'essaie, sans grand succès d'ailleurs, de le guider dans celui-ci («regarde comme ils ont l'air bien ces livres de Quentin Blake, non ? vraiment pas ?»). Le temps de présence ne doit pas être excessif. Comme de nombreux bambins, le mien aime à pousser la chansonnette mais il aime également entendre sa voix, UNIQUEMENT sa voix. Toute l'astuce est donc de s'éclipser avant que les agents municipaux ne passent définitivement de l'amusement attendri au désir d'appeler la maréchaussée pour déloger les importuns.
Et de deux.
Maintenant, l'heure des grandes décisions dans ce parcour rigidement fléché. Est-ce que mon petit bonhomme a a encore suffisament d'energie, de patience ? Est ce que je me sens suffisament en veine pour écarter l'éventuallité d'un accident ? Dois-je tenter une troisième série d'emprunts ?
Si tel est la cas nous descendons le Boulevard du Port-Royal, au milieu des étals et des harangues, longeant une nouvelle fois le Val de Grâce (qui montre alors un aspect davantage fonctionnel) jusqu'à un escalier qui nous conduit dans la sombre rue Broca (cette rue comme enfoncée propre à inspirer les histoires sorceresses). Un brin de Claude Bernard, un poil de rue Monge, deux pincées de rue Censier et voilà que l'on découvre la Mosquée et Paris soudain se fait méditeranéenne (à condition toutefois de faire abstraction du temps, souvent). Dit comme ça ça a l'air facile mais je vous rappelle que je suis chargé de CDs et bouquins, en train de gambader depuis une heure voire une heure et demi maintenant et que j'ai sur les épaules 14 kgde tonus en mouvement qui alternent entre me piquer mon chapeau (ou ma casquette, je ne sors jamais tête nue) et me l'enfoncer sur le yeux. La mosquée étant presque synonyme d'arrivée, comprenez que je sois un peu lyrique à son propos. Plus que la rue Buffon. Troisième médiathèque, celle dans laquelle je suis sûrement black-listé : «Anatole, tiens toi tranquille ! On parle doucement dans une médiathèque. Non on ne jette pas les livres. Je me dépêche, j'ai presque fini.. Comment ça ils ne sont pas boien les livres. C'est toi qui les as choisis. Non, on ne joue pas avec l'ordinateur du Monsieur.» Allez, on traverse le Jardin des Plantes (en cemoment, hélas, encombré de travaux), Mosquée de nouveau, puis l'Eglise Saint Médard (un trajet œcuménique) et... la maison.
Trempé de sueur, les épaules et le cou courbatu, la gêne encore présente d'avoir entendu autant de peu amènes injonctions au silence, je m'effondre (après avoir pris soin de déposer délicatement le cher enfant auparavant bien entendu) dans le canapé.
C'était chouette, vivement qu'on recommence.
très bien raconté
Rédigé par : Thomas | 18 septembre 2006 à 20:27
Merci.
Rédigé par : aymeric | 19 septembre 2006 à 10:49
J'attends avec impatience la suite des aventures...
Lorsque le deuxième bout-de-toi aura, lui-aussi, des envies de lecture...
Rédigé par : boudi | 19 septembre 2006 à 16:21